L’Amérique, il faut bien le dire, est droguée au pétrole. On dira que les toxicomanes sont légion à la surface du globe, au sud comme au nord. Mais les Etats-Unis souffrent, dans ce domaine, d’une dépendance particulière. Pays de l’automobile reine, pays du camion triomphant, l’Amérique voit dans le véhicule à moteur une métaphore de la liberté. L’électeur sanctionne tout candidat qui fait mine de taxer le carburant ; les investissements dans les transports collectifs, moins accros à l’hydrocarbure, affichent un retard historique ; le lobby pétrolier dispose d’une audience malsaine ; les républicains militent avec une virulence extrême pour la liberté de forage et d’exploitation, persuadés que ce qui est bon pour Exxon ou BP est bon pour les Etats-Unis.
Et comme toute toxicomanie, la pétrodépendance comporte ses effets seconds et ses overdoses. Telle est l’origine réelle du tsunami gluant qui menace les bayous mélancoliques, les pélicans placides et ce delta du Mississippi qui irrigue tant de légendes américaines. L’extraction frénétique du pétrole au large de la Nouvelle-Orléans suppose, quelles que soient les précautions prises par les compagnies, une acceptation du risque. Cet impératif pour ainsi dire culturel se double d’une tension financière. Les multinationales privées qui alimentent les circuits de la drogue pétrolière sont naturellement enclines à limiter les dépenses de sécurité au nom du profit. Une polémique se développe autour de la responsabilité de British Petroleum, accusé, avec des arguments sérieux, d’avoir fait preuve de négligence. Accoutumance pétrolière et obsession de la rentabilité : voilà pourquoi votre golfe est pollué.
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