Obama Invites Visit from French “Outer Cities”

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Obama invite les banlieues françaises

Il pourrait paraître légèrement insultant que l’ambassadeur des Etats-Unis à Paris aille recruter des jeunes gens dans les banlieues françaises pour les envoyer participer à Washington à un sommet de chefs d’entreprise du monde musulman. Après tout, la France, comme l’a rappelé Laila Nassim, chef de projet à l’association 100 000 Entrepreneurs, “n’est pas un pays à majorité musulmane”.

Mais il n’y a pas lieu de s’étonner. Les Américains confondent souvent banlieue et islam. La laïcité fait partie de ces sujets d’incompréhension profonde entre la France et les Etats-Unis (d’où l’étonnement sans cesse renouvelé des élites américaines pour ce souci marqué de réglementation des tenues vestimentaires qu’ont les Français).

Il se trouve aussi que l’ambassadeur Charles Rivkin, ancien producteur de télévision d’Hollywood, ancien financier de la campagne de Barack Obama, s’intéresse beaucoup aux banlieues (diplômé de Yale, il a été stagiaire chez Renault, précise sa biographie). Le 2 avril, il était à La Courneuve. Et le 13, à Bondy, où il a amené Samuel L. Jackson, l’un des bad guys de Pulp Fiction. Les jeunes ont été ravis, d’autant que l’acteur a promis de les inviter sur la Côte ouest. Résultat : “L’ambassadeur américain est plus connu dans les banlieues que les ministres de Sarkozy”, dit Majid El-Jarroudi, un autre des invités français.

Le sommet présidentiel sur l’entrepreunariat s’inscrivait dans le prolongement du discours du président Barack Obama au Caire le 4 juin 2009. La presse américaine, qui avait compris d’entrée qu’il s’agissait d’une vaste entreprise de diplomatie publique en direction des ennemis potentiels de l’Amérique, ne s’est pas déplacée. Mais Barack Obama, Hillary Clinton, et la moitié du gouvernement, se sont adressés aux 250 délégués saoudiens, pakistanais, nigérians, turcs… et français.

Imaginez que George W. Bush en ait fait autant ! “On ne serait pas venus”, disent les jeunes. Pourtant, aux dires des experts, les projets de Barack Obama ressemblent étonnamment à ceux de son prédécesseur. Le “Grand Moyen-Orient”, par exemple, qui était l’une des lubies du républicain, n’est pas sans rapport avec le grand partenariat de l’administration Obama. Mais il y a quand même une différence de taille, rassure un diplomate : “Obama a mis la question politique – le conflit israélo-palestinien – au centre de sa politique. Avec son Grand Moyen-Orient, Bush essayait de la contourner.”

Une fois passées les premières interrogations (“pourquoi nous ?”), les jeunes Français se sont retrouvés à expliquer le modèle hexagonal à leurs interlocuteurs. “Ils traduisent peut-être cela en termes musulmans – non musulmans, mais nous, on n’est pas là-dedans”, a dit Laila Nassim, après avoir donné une interview à Al-Hurra, la chaîne du gouvernement américain en arabe. Ce n’est pas tous les jours qu’on peut “parler arabe sans qu’on vous regarde avec des yeux exorbités”. Ou qu’on voit “deux Prix Nobel en 24 heures” : Obama et Mohammed Yunus, l’inventeur du microcrédit, qui est apparu, ironie de l’actualité, dans un panel aux côtés d’une représentante de Goldman Sachs.

Laila Nassim, qui envoie des hommes d’affaires dans les écoles pour “donner aux jeunes le goût d’entreprendre”, a été passionnée par la discussion sur son “coeur de métier” : “Est-ce que c’est vraiment à une organisation bénévole d’aller dans les écoles ou est-ce que c’est la formation des maîtres qui est à revoir” ?

Kader Nasri, qui a créé la boisson énergétique Scarface, dont il compte bien faire la rivale de Red Bull, a établi un contact avec l’agence fédérale chargée des autorisations d’importation. “Venir ici, ça me permet de faire du B2B (business to business) avec les pays arabo-musulmans.” Et rien de tel que le tapis rouge à l’américaine. “On est valorisé. On se sent important. Ici, on fait de ce que vous êtes des qualités plutôt que des défauts.” Lui, c’est le consul général américain à Marseille en personne qui est venu, à Avignon, l’inviter.

Majid El-Jarroudi connaissait déjà les Etats-Unis. Il s’est inspiré de la loi qui oblige les services publics américains à passer des contrats avec les entreprises dirigées par des représentants de minorités (Minorities Business Act) pour fonder son Agence pour la diversité entrepreneuriale. Il a retenu l’inspiration, le coeur du rêve américain. “Le ministre du commerce a raconté que son grand-père balayait par terre et ne parlait même pas anglais. Ce sont des exemples comme cela qu’on veut entendre. En France, qui va les raconter ?”

Il a bu un verre avec Mohammed Yunus. Il a été consulté par le chargé du commerce au département d’Etat. Mais les autorités françaises se privent de l’atout que les minorités représentent, y compris en termes d’ouverture de marchés. “Pourtant, on est un point d’entrée pour un monde que les Français n’arrivent pas à toucher.”

Au Val-Fourré (Mantes-la-Jolie, Yvelines), la plus grande cité d’Europe, plus de 50 % des habitants ont moins de 25 ans, dit-il. “C’est un pays du tiers-monde ? Qui en France fait quelque chose ? Et qui nous demande de mutualiser nos expériences ? C’est le gouvernement américain !”

Majid a raison. S’il y a surprise, elle est là.

Corine Lesnes

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