Buffett ou l’indéfectible optimisme américain
Par Philippe Latorre
Ce week-end, comme chaque année depuis 1969, Warren Buffett, 79 ans, troisième homme le plus riche du monde, réunissait les actionnaires de sa société d’investissement Berkshire Hathaway. Peu connue du grand public, la société détient néanmoins le record de l’action la plus chère au monde : 115.000 dollars. Cette année, un record de 37.000 porteurs de titres ont fait le déplacement pour ce “Woodstock des capitalistes”.
L’originalité de la journée que dure cette assemblée générale tient au fait qu’après un film de présentation de Berkshire d’environ une heure, mélange de publicité et d’humour, il n’y a pas d’exposé mais cinq heures de questions-réponses. Trois sujets sont à peine évoqués. On ne parle pas de la crise économique, de la consommation ou du chômage. La reprise est là. On parle peu des monnaies ou des difficultés au sein de la zone euro. Enfin l’optimisme de Warren Buffett et de son associé Charlie Munger font que, si une ou deux questions amènent le sujet de l’environnement, c’est pour répondre que l’homme saura toujours créer des solutions. Les deux grandes préoccupations sont Goldman Sachs et les produits dérivés car elles touchent au coeur du capitalisme.
Comment Berkshire, qui a investi 5 milliards de dollars dans Goldman Sachs en septembre 2008, vit la crise de confiance dans cette institution ? A l’époque, Warren Buffett avait fait référence à l’exceptionnelle qualité de son management. Or, à la suite d’une plainte déposée par la SEC, l’autorité de régulation des marchés boursiers américains, le président de Goldman Sachs subit un feu roulant de critiques.
Warren Buffett, dans un long exposé, réaffirme pourtant son soutien à Goldman Sachs et à la façon dont il fait son métier. Il rend hommage et renouvelle haut et fort un soutien à “100%” à son président. Il dit ne pas croire au bien fondé des accusations. Selon lui, si certains des clients de Goldman Sachs se sont fait piéger en perdant des centaines de millions de dollars en investissant sur des instruments financiers complexes, il n’a pas de compassion pour des banquiers suffisamment naïfs pour prendre un pari aussi stupide. Les dirigeants d’ABN Amro, parmi les victimes, apprécieront. Pour conclure, Warren Buffett rappelle que Goldman Sachs reste un très bon investissement qui rapporte 15 dollars par seconde à Berkshire !
Le sujet des produits dérivés permet à l’Oracle d’Omaha d’exprimer sa position de sage homme du Midwest : quand il s’agit de produits de couverture de risques, ils ont leur place, par exemple pour les devises ou les matières premières. Mais pas lorsqu’il s’agit de risques pris au casino. Et le plus stimulant ce sont des positions originales ou qui nous ramènent aux fondements de l’économie de marché. Les déficits ? Il ne faut pas avoir peur de taxer le capital. L’éducation ? McDonald’s est la meilleure école pour apprendre la discipline et la responsabilité aux jeunes. La confiance dans l’Amérique et le capitalisme ? Tant qu’existeront des entrepreneurs, c’est-à-dire des hommes et des femmes intègres et motivés par ce qu’ils font, elle restera importante.
Les actionnaires de Berkshire sont repartis d’Omaha forts de ces leçons intemporelles qui ont fait le succès de Warren Buffett. Ils n’ont qu’un souhait : que le Maître reste en bonne santé, qu’il continue de faire prospérer ses investissements et qu’ils puissent tous se retrouver le samedi 30 avril 2011 pour une nouvelle AG. Quant à nous, ce pèlerinage à Omaha a été fidèle à l’image que nous nous en faisions et nous rentrons à Paris impressionnés par cet esprit de simplicité et pourtant si conquérant qui y régnait. Nous avons le sentiment d’avoir passé un week-end d’exception et d’être totalement rechargés malgré les trente heures de voyage. Un remède radical à prescrire en ces temps de morosité !
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