The Amnesia of the American People

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En politique, c’est connu, six mois représentent une éternité. Il y a donc plus de deux éternités que Barack Obama était élu en sauveur du peuple américain. On a peine à le croire aujourd’hui, devant l’escalade de sondages négatifs sur un président auquel certains commentateurs n’hésitent pas à prédire un unique mandat, à l’instar de Jimmy Carter.

Les Américains ont-ils si facilement oublié la complète déroute de l’administration précédente et la perte de crédibilité de leur pays à l’échelle planétaire? Il faut envisager cette hypothèse.

Il est vrai qu’Obama dépense plus vite que son ombre dans une optique d’interventionnisme qui ne fait pas l’unanimité, surtout du côté républicain, par nature opposé à ce genre de tactique. Sa réforme de la santé, qui divise profondément les électeurs, pourrait, malgré sa pertinence évidente, mais des coûts immédiats exponentiels, lui nuire lors des élections de mi-mandat. Il a beau s’agir ici d’un tour de force qui l’impose incontestablement comme un leader coriace et progressiste, plusieurs payeurs de taxes n’admettent pas que les plus démunis puissent bénéficier gratuitement de soins médicaux qu’ils devront défrayer, en plus de continuer à payer les leurs. La perte de la super majorité démocrate au sénat, après avoir présenté une candidate sans envergure pour conserver le siège laissé vacant par Ted Kennedy, a démontré par ailleurs une faiblesse stratégique inconcevable.

Il semble bien loin le temps où une petite frappe, devenue président en 2000 par son hérédité et une élection aussi contestée que discutable, suscitait une tension internationale immédiate par son arrogance et son élocution déficiente. Oubliés, semble-t-il, les mensonges de Colin Powell à l’ONU, admis par la suite à mots couverts, sur les «preuves irréfutables d’armes de destruction massive» détenues par Saddam Hussein. Évanoui, le souvenir de Hans Blix, chef des inspections à l’ONU, condamnant vertement le déclenchement d’une guerre «préventive» mais illégale, alors que les autorités irakiennes collaboraient pleinement avec les inspecteurs. Déjà estompé, le souvenir des coûts faramineux d’un conflit injustifié, de ses morts civiles et militaires et des erreurs tactiques grossières d’un Donald Rumsfeld.

Le public américain semble méconnaître les conflits d’intérêt des Bush, Cheney, Rice et Rumsfeld avec les grandes pétrolières, et tout ignorer des contrats cédés sans appels d’offre aux amis du parti. A-t-il eu vent des liens d’affaires des Bush avec Enron, société à l’origine du pire scandale financier américain, ainsi qu’avec les ben Laden, en froid cependant avec leur frère sanguinaire? Le peuple américain aurait-il oublié l’arbitraire du Patriot Act, le scandale des écoutes électroniques, l’inertie face à l’ouragan Katrina et la fuite orchestrée de l’identité de Valerie Plame, agente de la CIA et épouse d’un sénateur opposé à la guerre en Irak?

Et que dire des violations de nombreux traités internationaux sur le traitement des prisonniers, de l’infamie de Guantanamo et d’Abou Ghraib, des bateaux prisons, sur lesquels la lumière n’a pas été faite, et sur les preuves que l’administration Bush encourageait le recours à la torture, notamment le «waterboarding», qui consiste à simuler une noyade? Que conclure du laxisme éhonté des républicains et de son impact sur la crise financière mondiale actuelle?

Malgré pareille accumulation de faux-pas grossiers et de corruption, les républicains pourraient à nouveau sévir avant longtemps. Après tout, le bon peuple si peu clairvoyant qui a réélu Bush en 2004 pourrait se révéler suffisamment amnésique pour oublier les démocrates en 2012…

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