Le président américain avait initialement promis de mettre fin aux dérives de l’époque de son prédécesseur, George W. Bush, mais son équipe paraît hésiter, voire reculer sur plusieurs fronts.
Tandis que les nombreuses agences de renseignements américaines chargées d’antiterrorisme continuent de se déchirer – et de s’interroger sur leurs responsabilités respectives dans la foulée de l’attentat terroriste raté de Times Square -, l’Administration Obama semble de son côté peiner à définir une approche juridique et politique cohérente en la matière. Comme si le fait d’être passé si près d’une catastrophe à Times Square avait soudain changé la perspective de la Maison-Blanche.
Le président avait initialement promis de mettre fin aux dérives de l’époque de son prédécesseur, George W. Bush, en annonçant la fin de l’utilisation de la torture, la fermeture rapide de la prison de Guantanamo et le transfert des détenus devant des tribunaux civils. Il avait fait le pari que la lutte contre le terrorisme pouvait se conjuguer avec le respect des principes de la démocratie américaine.
Mais l’équipe démocrate, si elle n’abandonne pas son but, paraît hésiter, voire reculer sur plusieurs fronts sous la pression de l’opposition républicaine. Ainsi la fermeture de Guantanamo, qu’Obama avait prévue pour janvier 2010, pourrait-elle être reportée sine die.
Pas de transfert dans l’Illinois
Le projet de transfert des prisonniers détenus sur une base militaire américaine à Cuba vers une prison de haute sécurité aux États-Unis est également menacé depuis mercredi dernier. L’Administration avait demandé au Congrès d’approuver un budget de 350 millions de dollars pour acheter et rénover un établissement pénitentiaire presque vide à Thomson, dans l’Illinois. Or, le comité des forces armées de la Chambre des représentants vient d’approuver un projet de loi visant à interdire la création, en territoire américain, d’un centre de détention censé accueillir les «ennemis combattants» trop dangereux pour être libérés, quoique ne pouvant être jugés, faute de preuves suffisantes.
L’Administration Obama vient aussi d’annoncer, par la voix de son ministre de la Justice, Eric Holder, qu’elle proposerait une loi permettant aux enquêteurs d’interroger des suspects sans les informer immédiatement de leurs droits à garder le silence et à réclamer un avocat. Il s’agirait de rendre plus flexible la législation dite «Miranda», qui fait référence à une décision de la Cour suprême de 1966 interdisant aux enquêteurs d’utiliser, lors d’un procès, les renseignements obtenus pendant ces premiers interrogatoires.
Attaché à réconcilier lutte antiterroriste et état de droit, Eric Holder avait jusqu’ici insisté sur l’importance de conforter les droits des suspects et de respecter ce que l’on appelle ici la «mirandisation» des prisonniers. Mais les républicains n’ont cessé, au nom de la sécurité nationale, d’appeler à traduire les suspects devant des cours militaires pour contourner la loi «Miranda».
Dans la foulée de l’attentat avorté de Times Square, l’Administration Obama semble finalement se rendre partiellement à leurs raisons, non pas en optant systématiquement pour les tribunaux militaires, mais en levant certaines des contraintes qui compliquent le travail des enquêteurs civils. «Nous avons affaire à des terroristes internationaux. Je crois que nous devons penser à modifier les règles dont disposent les enquêteurs et à mettre en place un système flexible, plus en phase avec la menace à laquelle nous sommes confrontés», a dit Holder.
L’idée du futur projet de loi est de permettre aux enquêteurs de surmonter un déchirant dilemme – obtenir le maximum d’informations lors de l’interrogatoire pour prévenir l’imminence d’un attentat, ou le mener de telle sorte que les accusations puissent être recevables devant un tribunal civil. Après Bush, Obama découvre qu’il n’est pas si facile de conjuguer état de droit et lutte antiterroriste.
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