American Chernobyl

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Une catastrophe industrielle incontrôlable, un système vermoulu contrôlé par une nomenklatura figée, un leader dynamique qui veut changer les choses : ça ne vous dit rien ? Si, bien sûr : Tchernobyl, le PC soviétique, Gorbatchev.

Rappelons-nous les années 1980 : les gens de l’époque savaient que l’URSS allait mal, mais qui aurait parié 1 franc ou 1 dollar sur son effondrement rapide ? Et d’autant moins qu’elle avait trouvé un dirigeant sympathique et moderne. Il engagea d’entrée de jeu des réformes vigoureuses (glasnost et perestroïka) tout en modifiant sa politique étrangère par la détente avec Ronald Reagan.

Et puis Tchernobyl explosa. La catastrophe révélait la fragilité du système. En 1989, le mur de Berlin s’écroulait, en 1991, l’URSS était dissoute. La Russie entrait dans une décennie de dure récession économique.

Les gens d’aujourd’hui savent que les Etats-Unis vont mal, mais qui parierait 1 euro ou 1 yuan sur leur effondrement rapide ? Et d’autant moins qu’ils ont élu un dirigeant sympathique et moderne. Il a engagé d’entrée de jeu des réformes vigoureuses (plan de relance et loi sur la santé), tout en reconnaissant que les Etats-Unis ne pourraient pas tout diriger dans le monde.

Et puis Deepwater Horizon a explosé… L’inextinguible fuite de pétrole provoquée se révèle une catastrophe écologique historique. Elle démontre à la fois l’impéritie des grandes compagnies privées et l’incapacité de l’Etat (après un premier échec lors de l’ouragan Katrina, en 2005) à maîtriser la situation. Comme Tchernobyl, Deepwater Horizon tire son sens du contexte. Celui d’une société dominée par une oligarchie capitaliste qui refuse toute évolution profonde malgré le désastre financier dont elle est responsable : Wall Street reste aussi solidement accroché à ses privilèges que l’étaient les dignitaires soviétiques.

Par ailleurs, politiques, publicité et médias maintiennent la fiction que le rêve américain peut perdurer sans bouleversement. Mais un pilier de la puissance américaine est ébranlé : celui d’une énergie peu chère. M. Obama essaye de le faire comprendre à ses concitoyens : “Nous pouvons prédire que la disponibilité des combustibles fossiles va diminuer, qu’ils vont être plus chers à extraire, et qu’ils comportent un coût environnemental que nos enfants, nos petits-enfants et nos arrière-petits-enfants vont devoir supporter”, a-t-il dit dans son interview sur Politico.com le 14 juin. La fin du pétrole bon marché, c’est la fin de l'”american way of life”. Les Etats-Unis y résisteront-ils ? On peut penser que oui. Ou que non.

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