Matthew Rosenberg, le correspondant du Wall Street Journal (WSJ) à Kaboul, a mené une formidable enquête sur la manière dont les devises s’échappent d’Afghanistan. Edifiant. Mais une mauvaise nouvelle de plus dans la déconfiture ambiante.
C’est certainement l’un des articles les plus “dérangeants” sur l’Afghanistan que j’ai lus ces derniers jours. Publié dans la foulée du départ fracassant du général Stanley McChrystal, il laisse un goût amer et le sentiment que tout part à vau-l’eau dans ce pays en guerre depuis bientôt neuf ans. D’autant qu’il arrive également sur fond de rumeurs contradictoires, mais pas forcément rassurantes, sur de présumées négociations en cours entre le président Karzaï et les talibans, voire des commandants liés à al-Qaïda.
Revenons d’abord sur l’article du WSJ. “Plus de 3 milliards de dollars en liquide se sont ouvertement envolés au cours des trois dernières années, quittant Kaboul par l’aéroport international, un montant si énorme que les enquêteurs américains sont persuadés que des officiels afghans et leurs associés envoient vers des paradis financiers à l’étranger des milliards de dollars prélevés sur l’aide américaine, et l’argent de la drogue”, écrit Rosenberg.
Plus ahurissant encore, cet argent est entassé dans des valises, empilé sur des palettes et chargé dans des avions. Il est ainsi officiellement déclaré et autorisé à quitter le territoire… comme s’il s’agissait d’une marchandise ordinaire. “Chaque année, davantage d’argent liquide dûment déclaré quitte Kaboul que le gouvernement afghan n’en récolte dans tout le pays en impôts et autres droits de douane”, poursuit le journaliste. Et l’un de ses interlocuteurs, un américain enquêtant sur la corruption et le financement des talibans de lui lancer : “Ce n’est pas comme si l’argent poussait sur les arbres ici. Tout cela ressemble plutôt au vol pur et simple de nos impôts. Et aux revenus de l’opium, bien sûr”.
Matthew Rosenberg explique également dans le détail le système de la hawala, qui permet de transférer des sommes colossales sans laisser de traces. Un système vieux comme le monde, au-dessus de tout soupçon… Les billets de banque passent de mains en mains. Cette pratique, qui repose sur la confiance, est beaucoup moins coûteuse que les virements bancaires. Toujours aussi décapant, l’article note au passage que “même les Nations unies, l’Otan et des groupes d’aide internationale en Afghanistan, ont eu recours de temps à autre, à la hawala pour transférer de l’argent et payer leurs équipes”. “L’Afghanistan est un pays où la société est fondée sur les relations personnelles et la confiance”, affirme sans rire le président de l’association de la hawala à Kaboul.
Pour ce qui est des manoeuvres du président Hamid Karzaï pour se concilier les militants islamistes et de son soudain rapprochement avec l’establishment militaire pakistanais, je me permets de vous renvoyer à mon analyse publiée ce matin dans Le Figaro. J’aurai amplement l’occasion de revenir sur le sujet.
Enfin, cerise sur le gâteau, un rapport américain rendu public aujourd’hui, affirme que l’armée afghane est loin d’être à niveau pour prendre le relais des forces de la coalition. Il y a un peu moins d’un an, ce blog s’était déjà fait l’écho des carences de l’armée afghane. Sorry, à l’évidence Ann Jones savait de quoi elle parlait…
Leave a Reply
You must be logged in to post a comment.