Fear and Disillusionment Reign in Kandahar

<--

Les troupes américaines intensifient leur pression sur la ville afghane, mais les talibans conservent une forte influence.

L’étau se resserre sur Kandahar. L’offensive annoncée en fanfare pour juillet contre l’ancien fief des talibans a certes été repoussée à l’automne. On ne parle même plus désormais d’«opération militaire» -un gros mot dans le petit manuel de la nouvelle doctrine américaine de «contre-insurrection»- mais de «processus». Il n’empêche. Américains et Canadiens continuent de masser leurs troupes aux abords de la capitale provinciale. Pendant ce temps à Kandahar City, les talibans ne désarment pas. «Le terrorisme continue, surtout en ville. Mais les talibans ont changé de tactique. À présent, ils se livrent surtout à des assassinats ciblés, des attentats suicides, et plantent des bombes artisanales le long des routes», confie Ahmad Wali Karzaï, le président du conseil provincial et, incidemment, le demi-frère du président afghan, Hamid Karzaï.

Rues désertes

Quant aux Kandaharis, ils vivent dans la peur et la désillusion. Près de neuf ans d’occupation étrangère ne leur ont apporté ni la paix ni la sécurité. Pourquoi, s’interrogent-ils? «La construction d’écoles, d’hôpitaux, de routes? Autant de belles promesses jamais tenues», lance avec amertume Idriss, un jeune ingénieur qui vit au centre de Kandahar, à quelques mètres de l’ancienne demeure du mollah Omar. Le chef spirituel des talibans se cacherait au Pakistan, dans la région de Quetta. Idriss en est persuadé, «les Américains n’ont qu’un seul but, rester en Afghanistan». Et pour cela, dit-il, «ils soutiennent les talibans tout en faisant semblant de les combattre, ça fait durer la guerre». Il n’est pas le seul à croire à cette théorie de la conspiration. Quand on lui demande son avis, Abdul, qui tient un petit restaurant, hoche la tête en signe d’approbation. «C’est pareil pour la culture du pavot et le trafic de la drogue, dit-il. Les Occidentaux prétendent que ce sont nos dirigeants qui sont derrière tout ça; mais, sans l’aide des Américains, comment ces énormes transactions, visibles de tous, pourraient-elles continuer d’exister? »

Au centre de Kandahar, les rues sont quasiment désertes. La ville porte les cicatrices des récents attentats. Sur l’une des principales artères, on peut voir les murs éventrés de la «guesthouse fortifiée» qui abritait des compagnies de construction occidentales. Elle a été soufflée au printemps dernier par un attentat suicide. Quatre Afghans sont morts, plusieurs Américains ont été blessés. Le 20 avril, les rebelles ont fait exploser en plein marché un âne chargé d’explosifs. Trois enfants ont été tués, mais les talibans ont revendiqué la mort de onze étrangers…

Mauvaise gouvernance

Il y a trois jours, un homme a été abattu en plein Kandahar. Dans la même journée, des insurgés s’en sont pris à un villageois du district d’Arghandab, à quelques kilomètres de là. L’homme, qui voyageait avec sa femme et ses enfants, a été tué sous leurs yeux. Selon le conseil provincial, les militants l’avaient menacé à plusieurs reprises, l’accusant d’espionner pour le gouvernement afghan soutenu par les Occidentaux.

La liste des exactions des talibans est longue. Pour autant, leur crédit n’est pas forcément entamé dans cette province du Sud afghan. La présence des troupes étrangères n’y est pas pour rien. La mauvaise gouvernance afghane non plus. «Avant, la famille Karzaï était très respectée ici, mais depuis que Hamid est président, ses frères, y compris Wali, se croient tout permis », affirme Idriss. Le «jeune Karzaï» profiterait notamment de la fonction de son aîné pour nommer ou révoquer à sa guise les personnages clés à Kandahar. En revanche, personne ne peut le soupçonner de sympathie pour les talibans, qui ont tué son père en 1999. Même s’il est convaincu que le temps est venu de négocier avec eux.

2010, année meurtrière pour les troupes occidentales

Triste record pour les troupes internationales. Avec des pertes s’élevant à 352 soldats à la mi-juillet, 2010 s’annonce déjà comme l’année la plus meurtrière pour la coalition en Afghanistan. En 2009, 521 militaires étrangers avaient été tués, mais sur douze mois.

Samedi a été une journée particulièrement sanglante. Cinq soldats américains ont trouvé la mort, à l’est et au sud du pays, victimes de bombes artisanales et de tirs à l’arme légère. Un sixième a été tué accidentellement. Les États-Unis fournissent le plus fort contingent (100 000 hommes sur un total de 142 000), ce qui explique qu’ils paient le tribut le plus lourd dans cette guerre qui est aussi la plus longue de leur histoire : 224 tués cette année et 1 171 depuis la fin 2001. Responsable de cette escalade, la nouvelle stratégie des militants consistant à planter des bombes de facture plus ou moins grossière le long des routes où passent les convois de la coalition.

À cela viennent s’ajouter les pertes de soldats de l’armée afghane, encore mal entraînés. Sans compter les victimes civiles. Des «bavures» qui nourrissent l’hostilité des Afghans contre les troupes de l’Otan. Et ne manquent pas d’alimenter les tensions entre le président Hamid Karzaï et les forces alliées.

About this publication