Le 15 juillet 2010 est une date qui restera dans les Annales de l’Histoire de la règlementation financière des Etats-Unis. Aucune législation aussi fondamentale et vaste n’avait été votée par le Parlement et sera signée par le President Barack Obama depuis les deux législations de 1933 et 1934. Pas plus que celle d’il y a trois quarts de siecle, cette législation ne sera pas parfaite. Pour obtenir le seuil minimum de 60 % des votes au Sénat, des concessions ont du être faites.
Cette nouvelle règlementation, même si elle a plus de 2000 pages, est une architecture. La mise en pratique des principes qu’elle énumère et des institutions qu’elle créera fera l’objet de nombreux règles d’exécution et les lobbyistes du secteur financier ne seront ni a court de travail, ni a court de revenus. Tout cela n’est pas tres beau. Mais la démocratie américaine fonctionne de cette manière la et l’argent achète beaucoup de choses.
L’erreur serait cependant de minimiser son impact tant aux Etats-Unis que sur les autorités de contrôle mondiales. En effet, sa prolongation sera la règlementation de bale III qui devrait voir le jour a la fin de l’année et s’applique à l’ensemble du secteur bancaire a travers les frontières. De plus, elle s’inspire des principes que le G 20 a définis. Vu l’importance des marchés des capitaux et des institutions financières américains, leur impact sera important. N’oublions pas que la plupart des grandes instituions financières mondiales opèrent a Wall Street et y seront soumises pour ces activités.Au-delà des aspects concrets de cette règlementation que j’ai énumérés dans un post précédent, je voudrais donner une image conceptuelle de ce qui vient d’être voté.
La principale victime de la crise financière a été le consommateur : contraint à abandonner son logement, dans l’incapacité de payer les études de ses enfants ou ses factures de soins de sante, littéralement viole par les banques émettrices de cartes de credit, le consommateur américain a souffert comme nul autre. Avec un chômage qui est encore à 9,5%, ce ne sont pas moins de 50 millions d’américains qui vivent maintenant en dessous du seuil de pauvreté. La création d’une agence chargée de la protection du consommateur a été rejetée de toutes les manières possibles et imaginables avec une grande unanimité et dans une grande manipulation des faits par le secteur bancaire. Il n’a qu’à s’en prendre à lui-même. C’est lui qui a agi d’une manière irresponsable, même si le consommateur a manque de prudence.
Les instruments financiers d’une transparence parfois douteuse ont embrayé le pas et construit une bulle : les produits dérivés, la titrisation, les ventes à découvert et les financements structurés qui échappaient à toute règlementation font leur entrée dans la règlementation financière. Ils devront être transparents, et les banques qui les utiliseront seront tenues de garder une partie du risque pour éviter qu’ils ne grugent les investisseurs. C’est une modernisation importante dans la mesure où chaque tentative de les mettre sous contrôle a été sérieusement battue en brèche sous l’administration de George W. Bush qui avait laissé tous les garde fous aller à vau l’eau.
Les risques systémiques seront également mis sous contrôle. A travers une institution qui va avoir les pouvoirs nécessaires pour intervenir, les banques seront contraintes d’externaliser certains risques de manière à ne plus prendre le consommateur ou le contribuable en otage de leur propre spéculation. C’est incontestablement la tâche la plus ardue dans la mesure où la complexité d’institutions financières dont les actifs au bilan sont de plus de 1.000 milliards de dollars ou les actifs en gestion sont parfois plus élevés que ces montants. Il s’agit de disposer des instruments d’analyse et d’un pouvoir d’intervention pouvant aller jusqu’à imposer à une banque de se séparer d’activités qui risquent de menacer son équilibre.
Même si je rends hommage à ce travail titanesque, au President Obama et aux Démocrates et quelques Républicains qui ont bravé les lobbyistes qui recevaient plus d’un million d’euros par jour, pour défendre les intérêts des banquiers, je reste cependant déçu. Paul Volcker, l’ancien President de la Federal Reserve, qui a œuvré pour que cette règlementation soit solide, a du accepter des compromis face a l’assaut des intérêts bancaires. Certaines protections essentielles ont été abandonnées au nom de la realpolitik. Les parlementaires des deux partis qui sont responsables d’avoir édulcoré ces textes portent une responsabilité devant l’histoire. La règlementation n’est pas étanche, et son application sera difficile. Cette déception n’est pas une raison pour ne pas reconnaitre le caractère historique et remarquable du résultat obtenu.Une règlementation n’est pas un aboutissement, mais un point de départ. Espérons que ceux et celles qui devront l’appliquer trouveront le courage et l’intégrité nécessaires pour nous éviter un drame économique et social semblable à celui des deux dernières années.
La finance est au service de l’économie et n’est pas une fin en soi.
Leave a Reply
You must be logged in to post a comment.