Est-ce le moment de faire le bilan de la crise qui a commencée au creux de l’été 2007, avec l’annonce du naufrage de deux « hedge funds » par la banque Bern Stearns ? Certains diront qu’elle n’est pas finie et que c’est trop tôt. Et c’est vrai que les hoquets de la reprise et les craintes d’un « double dip » aux Etats-Unis invitent à la prudence. D’autres rétorqueront, au contraire, qu’il est temps parce que le plus dur est passé et que les nuages d’aujourd’hui n’ont rien à voir avec l’ouragan d’hier, quand le monde était dans l’oeil du cyclone fin 2008 début 2009. Les plus lucides constateront simplement qu’il n’est jamais trop tard pour réfléchir s’il l’on veut éviter que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets. Trois ans après le début de la grande récession, la réalité est plus simple qu’on ne voudrait le croire : certaines leçons ont été tirées, d’autres pas.
Dans la première catégorie, il est possible de ranger ce qui est bel et bien une crise de l’expertise. Ultra-spécialisés et aveuglés par des taux de croissance reposant parfois sur du sable, les économistes n’avaient en général pas vu venir le cataclysme et, pour les rares qui l’avaient vu, ils n’ont pas été écoutés. Pis encore, pendant la tempête, ils n’ont guère été plus utiles. Eh bien, il faut reconnaître mi-2010 qu’ils sont nombreux à se remettrent en cause et à revoir leur méthodes de travail. Des leçons commencent à être tirées, moins nettement mais tout de même, dans un autre domaine : le rôle du pouvoir politique. Venus en catastrophe au secours de l’économie, les responsables publics ont, partout, pris la sage décision de ne pas remettre en cause l’économie de marché, qui reste le levier le plus efficace pour créer des richesses. Criblés de dettes et conscients que leurs contribuables ne mettront pas une seconde fois la main à la poche, ils essayent d’inventer ce que l’on pourrait appeler, pour reprendre la séduisante expression de Jean-Pierre Jouyet, le président de l’AMF, un Etat-providence économique. D’où la réforme financière américaine. Reste à convaincre les Européens que leur Etat providence social, lui, devra être moins généraliste et plus ciblé s’il veut survivre.
Il existe en revanche une autre question, bien plus difficile, à laquelle la réponse n’a pas encore été apportée. Comment redonner un emploi aux 50 millions de chômeurs dans les pays développés, alors que la crise en a créé à elle seule 17 millions ? La fin d’une économie dominée depuis trois siècles par l’Occident change à elle seule la donne, alors que l’Europe patine avant même que ce basculement ait vraiment commencé. Jusqu’à maintenant, il était convenu de penser que la formation et l’innovation suffiraient à relancer la machine à créer de l’activité et à préserver nos modèles. C’est sans doute vrai. Mais le chemin s’annonce encore plus ardu après la crise qu’avant. C’est cette leçon là qu’il va falloir désormais apprendre.
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