International Solidarity on Wall Street

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Global Witness, IATP, Revenue Watch Institute… ces noms ne vous disent rien ? Pourtant avec quelques autres, ces associations de solidarité internationale viennent de réussir le tour de force de faire passer, à la faveur de la réforme de Wall Street, des mesures d’une portée considérable pour les pays en développement. Douze ans après le traité d’Ottawa interdisant les mines antipersonnel et celui de Rome instituant une Cour pénale internationale, la réforme avalisée mercredi 21 juillet par le président des Etats-Unis, Barack Obama, marque l’aboutissement d’années de mobilisation, de construction d’expertise et de pédagogie. Une vraie victoire pour le plaidoyer porté par la société civile américaine et internationale. Et trois dispositions majeures pour le développement politique et économique des pays du Sud.

Les entreprises extractives cotées à New York devront déclarer les versements qu’elles effectuent aux gouvernements de chaque pays dans lesquels elles opèrent. On parle ici de 90% des compagnies pétrolières et gazières internationales et de 80% des géants miniers. Après une mesure similaire à la bourse de Hong-Kong en mai, c’est une nouvelle ère – celle de la transparence – qui s’esquisse dans le secteur extractif. Une première parade au paradoxe de la richesse, qui voit les citoyens du Nigeria, de Birmanie, de l’Angola, du Guatemala ou encore du Congo en venir à regretter l’abondance de leurs sous-sols, synonyme pour eux de violence, de corruption, de pillage écologique et de misère. Cette demande de transparence est portée depuis 2002 dans 55 pays par les 600 organisations de la coalition internationale ” Publiez ce que vous payez “. Elle doit permettre aux trois milliards et demi d’habitants des pays riches en matières premières de mieux mesurer et contrôler la part de la rente qui revient à leur gouvernement.

Les sociétés qui achètent des minerais provenant de République démocratique du Congo (RDC) devront se déclarer au gendarme de Wall Street et prendre des mesures dites de ” diligence raisonnable ” pour s’assurer que leur activité ne contribue pas à l’enrichissement des groupes armés. L’enjeu : cesser d’alimenter la guerre pour le contrôle de ces minerais qui, depuis quinze ans, fait chaque jour dans l’Est du pays autant de morts que les attentats du 11 septembre 2001. Concrètement, les enseignes qui commercialisent l’or du Kivu devront, tout comme les industriels qui fabriquent téléphones portables et ordinateurs avec du coltan et de la cassitérite de RDC, garantir la traçabilité de leurs approvisionnements. Là non plus, ce premier pas décisif pour la restauration de la paix dans les Grands Lacs n’aurait pas été franchi sans le plaidoyer conjoint des ONG internationales et des acteurs locaux.

La réforme prévoit enfin d’encadrer le recours aux produits dérivés sur les marchés à terme agricoles. Cette mesure contribuera à limiter la spéculation sur les produits agricoles. La stabilisation des prix agricoles est un long combat des ONG. Pour les pays en développement, où la crise alimentaire de 2008 a plongé 200 millions de personnes supplémentaires dans la faim, il en va à la fois de la capacité des plus pauvres à se nourrir dans les villes, et des paysans à vivre de leur travail. Lorsque les traders et autres intermédiaires font tripler en quelques semaines le prix du blé ou du riz, c’est le consommateur égyptien ou sénégalais qui souffre. Lorsqu’ils font chuter le prix du café ou de l’huile de palme, c’est le producteur colombien ou indonésien qui est ruiné. Avec des prix moins aléatoires, les producteurs pourront enfin planifier leurs activités et, incidemment, nourrir la population.

Bien sûr, la mobilisation citoyenne serait restée lettre morte si elle n’avait trouvé l’oreille de responsables politiques prêts à mener personnellement ces batailles. Des sénateurs américains, démocrates et républicains, ont pris leurs responsabilités. Avec l’assentiment de Barak Obama. Il faudra, aussi, toute la vigilance de la société civile américaine pour que ces victoires législatives se traduisent dans les décrets d’application. Mais la leçon est claire : les propositions émises par la société civile, quand elles rencontrent des hommes politiques responsables, peuvent changer la vie de millions de personnes !

En 2011, le président de la République française, hôte du G8 et du G20, sera sous les feux de la rampe internationale. La société civile française non plus ne manque pas d’idées : constituer des réserves agricoles pour juguler la spéculation sur les prix, obliger les multinationales à publier leurs comptes pays par pays pour éviter qu’elles ne placent artificiellement leurs profits dans les paradis fiscaux, taxer les transactions financières internationales… Nicolas Sarkozy saura-t-il s’en inspirer ?

Bernard Pinaud, nouveau délégué général du CCFD-Terre Solidaire

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