An American Hero

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J’ai l’impression que l’Amérique entière, disons plutôt, ses masses salariées, laborieuses et maltraitées, s’identifie au héros du jour : Steven Slater, un steward de la compagnie Jet Blue qui a pété un câble le 9 août après une altercation avec une passagère après l’atterrissage à JFK. « Steven » (il a maintenant un groupe Facebook « Steven Slater for President ») a pris le micro de l’appareil pour insulter bruyamment tout le monde, avant d’ouvrir la porte et de déployer le toboggan sur le tarmac pour s’éjecter majestueusement de son job. Il est retourné chez lui, dans le Queens, où la police est venue peu de temps après lui passer les menottes.

L’incident nourrit, en pleine récession, les fantasmes de rébellion d’un peuple d’employés loyaux et extraordinairement peu revendicatif, plus muselé que jamais par la crainte du chômage. L’incident a rappelé au New York Times une autre explosion impulsive restée dans la légende des employés de la mégalopole : en 1947, un chauffeur de bus du Bronx nommé William Cimillo, vrillé par les frustrations et la monotonie de son job, a pris son service un beau matin, et dévié un peu de son trajet. Direction plein Sud, vers la Floride.

On l’a retrouvé deux semaines plus tard, à quelques minutes de route au Nord de Miami, et à 2800 kilometres du dépôt de la RATP New Yorkaise.

Je vous confirme la suite : Avant de lui passer les menottes, les détectives ont posé avec lui dans le bus pour une photo souvenir. Au retour, sa ville l’a accueilli comme le Eisenhower du D Day. Les talk shows se le sont arraché. Hollywood, via Liz Taylor en personne, lui a proposé de reprendre son histoire pour un film, « Bus Escape », où il aurait, en chemin, embarqué une reine de beauté. Le scenario a finalement été abandonné. Cimillo, adulé par ses collègues, n’a finalement jamais été inculpé, et a repris son job. Jusqu’à sa mort, en 1975, personne, semble t-il, ne l’a plus entendu se plaindre.

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