The Ground Zero Mosque: Could the Archbishop of New York Be a Mediator?

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La mosquée de Ground Zero – L’archevêque de New York peut-il être médiateur?

Jean-Claude Leclerc 23 août 2010 Éthique et religion

Photo : Agence Reuters Shannon Stapleton

L’archevêque catholique de New York, Mgr Timothy M. Dolan

L’archevêque catholique de New York, Mgr Timothy M. Dolan, s’est offert comme médiateur dans la controverse sur le centre musulman projeté à Manhattan. La «mosquée de Ground Zero», en effet, y est devenue une grave pomme de discorde. Ni le maire, Michael Bloomberg, ni le président américain, Barack Obama, n’ont pu calmer le jeu, au contraire. Mais l’archevêque est-il l’homme de la situation

Moins spectaculaire que le projet de Manhattan, en effet, un autre projet de mosquée, à Staten Island cette fois, y suscitait une non moins vive opposition. Le curé de la paroisse St. Margaret Mary, le père Keith Fennessy, avait convenu, en mai, avec une organisation musulmane, qu’un couvent inoccupé pourrait servir de mosquée. À cette nouvelle, le débat a vite fait rage dans la communauté locale. Qu’allaient décider les autorités de l’Église?

En juin, une association communautaire invite les promoteurs musulmans à un dialogue public. Ces invités furent mitraillés de questions. Paul Vitello, journaliste au New York Times, en cite des exemples. «Le terrorisme d’hier et d’aujourd’hui ne sort-il pas de mosquées?» Ayman Hammous, un des représentants de la Muslim American Society, n’a pas le temps de finir sa réponse. Des 400 personnes qui remplissent le gymnase fusent les huées.

Une participante, Joan Moriello, disant avoir parlé au FBI le matin, demande pourquoi cette société musulmane «se trouve sur la liste de surveillance des groupes terroristes». Murmure dans la salle. «Votre information est inexacte, madame», répond Hammous. Et les questions de continuer. «La charia est-elle à votre avis meilleure que la démocratie?» «Que pensez-vous du rôle des femmes?» «Quel est votre point de vue sur Israël?» «Pouvez-vous citer un seul exemple de passage incorrect dans le Coran?»

Tumulte dans le gymnase. Quelques minutes avant que la police ne demande aux gens de quitter les lieux, il y a cependant un moment de silence. Bill Finnegan, un marine de retour d’Afghanistan, déclare qu’il y a été médiateur entre des tribus en conflit. Ovation debout. Il demande aux musulmans s’ils forgeront des liens avec les gens de cette communauté? «Oui», disent-ils. Finnegan se tourne vers la foule. «Allez-vous accepter de forger des liens avec ces gens — vos nouveaux voisins?» La foule éclate en huées.

Fin juillet, la réponse des autorités catholiques sort. C’est non. Or, parmi les membres du comité qui en décide, on compte, outre le curé, deux fiduciaires et deux représentants de l’archevêché, dont Mgr Dolan. Un porte-parole, Joseph Zwilling, n’a pas voulu dire si l’archevêque a pris part aux délibérations ou au vote. Mais, explique-t-on, «le comité a voté pour ratifier la décision du pasteur».

Bref, faut-il conclure, l’archevêque de New York a rejeté la vente du couvent. Depuis, les promoteurs de la mosquée locale ont résolu de chercher ailleurs un lieu de prière pour les musulmans du quartier. Mais l’archevêque peut-il encore se faire le médiateur dans l’affaire de Ground Zero?

Tout en refusant, la semaine dernière, de répondre aux questions du New York Times, Mgr Dolan disait, en entrevue à la radio, défendre la liberté de religion des musulmans tout en incitant les promoteurs du centre de Manhattan à tenir compte des gens qui y voient un affront à la mémoire des victimes du 11-Septembre.

L’idée de l’archevêque paraît faite sur la solution «alternative» au projet controversé de Manhattan. Certes, aucun projet religieux ou culturel particulier ne saurait s’implanter ici ou là sans plus de considération pour les circonstances ou l’environnement. Mais, comme par hasard, plusieurs autres projets de mosquée sont bloqués dans diverses villes des États-Unis.

Si New York n’est plus capable de s’entendre avec des musulmans, quel sort attend les demandes de même nature présentées ailleurs dans la démocratie américaine? La région new-yorkaise compte quelque 600 000 musulmans. À eux et à leurs coreligionnaires du pays, s’il faut en croire les sondages, les Américains se révèlent, pour la plupart, défavorables sinon hostiles.

On peut y déceler un amalgame entre musulmans et extrémistes ou le résultat du traumatisme laissé dans l’opinion américaine par le 11-Septembre. Mais on ne saurait minimiser, dans ce fossé grandissant, le travail de sape, de propagande et d’exploitation qui pollue les médias du pays, et dont les ravages se répandent sur Internet.

Qu’en pareil contexte, surtout à la veille d’une élection, des partis et des candidats comptent les votes qu’ils espèrent en récolter au mépris de droits qu’ils piétinent, faut-il s’en surprendre? Plus inquiétant, par contre, est l’attentisme, pour ne pas dire la dérobade de la hiérarchie catholique. Cette Église paraît, en effet, incapable de tracer une voie dans ce champ semé de préjugés, de peurs, sinon de haine.

Au lendemain du 11-Septembre, le président George W. Bush avait présidé au deuil des familles des victimes et de la nation américaine dans une cérémonie spéciale où chrétiens, juifs et musulmans étaient représentés. Mais depuis, les musulmans du pays ont été laissés à la discrimination qu’ils subissent de plus en plus en Amérique.

Les musulmans de New York, apprend-on, ne sont pas fermés à un compromis. Ils auront fort à faire pour ne pas créer un précédent qui leur serait préjudiciable. Pourtant, en permettant à des fanatiques de prévaloir contre eux dans une simple paroisse, l’Église n’abandonne-t-elle pas aussi ses propres fidèles?

Plusieurs s’inquiéteront d’un pareil signe dans une société de plus en plus tentée par l’intolérance.

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