L’Amérique a gagné la guerre d’Irak. Mais certaines victoires coûtent aussi cher que des défaites. C’est un fait que les Cassandre du conflit – souvent antiaméricains – se sont trompés. L’armée irakienne s’est effondrée en quelques semaines ; malgré les affrontements entre les factions, la guerre civile généralisée a été évitée ; les Kurdes et les chiites irakiens ont vu leur situation s’améliorer ; l’économie du pays se développe rapidement ; un semblant de démocratie a été instauré avec l’adhésion hésitante de la population ; l’armée américaine s’est projetée au cœur d’une région stratégique, sécurisant l’approvisionnement pétrolier de l’Occident et laissant planer une menace immédiate sur les régimes hostiles qui émaillent cet Orient compliqué et incandescent.
Mais peut-on dire qu’une guerre est gagnée quand elle a coûté quelque 4 000 morts à la coalition et, surtout, au moins 100 000 morts au peuple irakien, qu’on était venu libérer ? Quand 3 000 milliards de dollars (2 300 milliards d’euros) ont été dépensés qui eussent évidemment trouvé un meilleur emploi ailleurs. Quand l’effort en Irak a handicapé l’intervention en Afghanistan et gêné, en fait, la lutte antiterroriste ? Quand le mensonge sur lequel elle a reposé – les armes de destruction massive – a achevé de déconsidérer la parole du Nord dans les pays du Sud ? Quand le rêve néoconservateur d’une région ouverte à la démocratie et au compromis israélo-palestinien s’est fracassé sur les réalités politiques et culturelles du Moyen-Orient ? Les «néocons», dans leur aveuglement, ont stupidement illustré ce vieil adage : on peut tout faire avec des baïonnettes, sauf s’asseoir dessus. Reste bien sûr, pour justifier cette tragédie, un seul argument fort : voulait-on laisser Saddam en place ? Certes non. Peut-être y avait-il d’autres moyens de le neutraliser…
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