America in Kosovo:the Indispensable Big Brother

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“Il est impossible de faire quoi que ce soit au Kosovo contre l’avis des Américains”, m’a confié un international en mission à Pristina. Je savais que les Kosovars aiment les Américains, depuis que ces derniers les ont “libérés” des Serbes. Mais je ne savais pas à quel point les Américains tiennent la plupart des manettes de l’État. Un autre international m’a dit : “Le Kosovo ne sera jamais un Etat. Sans l’OTAN et les Américains, il ne tient pas debout. Les Etats-Unis ne partiront jamais d’ici”. Et je crois bien qu’il a raison.

Pour les États-Unis, le Kosovo est un pays stratégique : il est musulman modéré, à proximité de la Russie et dans un couloir énergétique. C’est le seul pays musulman à avoir soutenu l’invasion américaine en Irak au printemps 2003. La future autoroute Pristina-Durrës (sur la côte albanaise) représente un enjeu militaire pour les Américains : le camp militaire Bondsteel (la plus grande base des États-Unis en Europe), situé au sud de Pristina, bénéficiera ainsi d’un accès direct à la mer Adriatique, où les Albanais ont donné l’autorisation aux Américains d’utiliser librement les ports. “Les Etats-Unis ont vision régionale du Kosovo, c’est leur pied dans l’Europe”, confie un international.

Au Kosovo, et dans une moindre mesure en Albanie, la présence anglo-saxonne, se traduit au quotidien, du boulevard Clinton aux drapeaux, en passant par les grosses cylindrées d’expatriés. Il y a un mois, Tony Blair était en visite à Pristina. Il y a trois ans, j’avais croisé George W. Bush en visite à Tirana. Il n’est pas rare de rencontrer des enfants albanais prénommés Toni ou Bill.

En février dernier, lors de l’inauguration de la statue de Bill Clinton, 10 000 personnes avaient fait le déplacement. Il y a deux jours, une nouvelle cérémonie a eu lieu pour inaugurer l’aménagement réalisé autour de la statue. Bill Clinton est maintenant entouré de jolis pavés et d’un bassin d’eau. Au-dessus de lui trône son image, entre une publicité pour du café et des antennes satellite. Seul hic, l’inscription sur le mur derrière la statue. Il est écrit : “Non aux négociations. Autodétermination”, du nom d’un parti politique qui prône l’exclusion de tous les internationaux qui encadrent le pays et le droit du Kosovo à se gouverner seul.

C’est aussi ce que revendique l’ONG “Cohu!” : “Laissez nous échouer!”, dit son président Avni Zogiani. “L’ambassade américaine fait pression sur tout le secteur économique via des conseillers en stratégie. Ce sont eux les vrais ministres de l’Economie. Même la mission de l’Union européenne EULEX se voit parfois limitée dans son action par l’influence américaine. Chaque semaine, EULEX dit qu’elle va arrêter Fatmir Limaj (ministre des Transports). Or il est toujours libre, parce que les Américains exercent des pressions”.

Diplômé de Sciences Po Strasbourg, Taulant (qui nous racontait son histoire hier) a écrit un mémoire sur les relations entre l’Union européenne et les autres acteurs présents au Kosovo. Il relativise l’influence américaine : “Même si les Etats-Unis sont un acteur majeur ici, tout ne passe pas par leur ambassade.”

Pour preuve de l’affection des Kosovars pour les Américains, Taulant cite les résultats d’un sondage de 2007 de l’institut Gallup (“love/hate polls”) : “Le Kosovo est le seul pays où les Américains sont plus aimés qu’aux États-Unis!”

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