The United States: A New Internal Enemy

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Quelle régression en quinze mois ! Le 4 juin 2009, dans son fameux discours du Caire, Barack Obama entreprenait de restaurer la relation très détériorée entre les Etats-Unis et l’espace islamique. “Tant que cette relation restera définie par nos différences, nous donnerons du pouvoir à ceux qui sèment la haine et non la paix”, déclarait le président américain. Il prônait “un nouveau départ pour les États-Unis et les musulmans du monde entier, fondé sur l’intérêt et le respect mutuels et reposant sur la proposition vraie que l’Amérique et l’islam ne s’excluent pas”. Ses paroles avaient été accueillies par un concert de louanges dans les pays musulmans comme aux Etats-Unis. Seuls les djihadistes déclarés et des groupes américains islamophobes peu audibles les avaient rejetées avec virulence.

La roue a tourné très vite. Au début de l’été, au terme d’une vaste enquête menée parmi les citoyens de grands pays islamiques mais aussi parmi les musulmans en Occident, l’institut d’études d’opinion Centre Pew indiquait que “leur modeste niveau de confiance constaté en 2009 (envers M. Obama et sa politique) a notoirement reculé”. Dans de nombreux pays musulmans, l’annonce par un pasteur inconnu et dérangé qu’il va brûler un Coran le 11 septembre suscite mécaniquement une haine antiaméricaine globale. M. Obama n’en peut mais, tandis qu’aux Etats-Unis ceux qui identifient l’islam à une foi illégitime et menaçante gagnent chaque jour du terrain. Le phénomène s’accompagne d’une poussée soudaine de détestation publique des musulmans (qui est passée de 0,8 % à 1,4 % de la population). Les idées les plus délirantes circulent dans des cercles qui s’élargissent : musulman “masqué”, M. Obama se préparerait en secret à instaurer la charia dans son pays… A la veille des élections générales du 4 novembre, l’opposition républicaine évite de dénoncer publiquement ces idées racistes, ce qui revient à légitimer tacitement leur expression. On l’a observé à l’occasion de la campagne politique menée contre l’érection d’un centre communautaire musulman près de Ground Zero.

Les Etats-Unis, qui se veulent le modèle même de l’intégration continue des immigrés, pierre angulaire de la construction de leur nation, ont de tout temps été marqués par des bouffées de rage contre l'”ennemi intérieur”. Sans parler du Noir ou de l’Indien autochtone, cet ennemi a souvent pris le visage du dernier immigré en date. Ou celui des minorités : le juif, le mormon, le catholique, le communiste… Lancée il y a quelques mois par des politiciens conservateurs, une campagne anti-immigrés n’a cette fois pas pris racine. Mais une partie notoire de l’opinion américaine semble offrir meilleur accueil à l’islamophobie.

La France, en ces temps de redéfinition de son identité, des “quotas d’expulsions” des immigrés illégaux et de chasse aux Roms, est mal placée pour faire la leçon aux autres. Reste ce constat : en période de crise socio-économique aiguë, deux modèles républicains bien différents peuvent générer des manifestations similaires de manipulation de la phobie de l’ennemi intérieur. Pour leur déshonneur.

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