The United States Win Wars, but Can They Win Peace?

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Forte de la puissance de son armement, de la suprématie de sa technologie et de la richesse de ses réflexions stratégique et doctrinale, l’armée américaine occupe une place prédominante sur l’échiquier des forces occidentales. Il serait dès lors légitime d’imaginer que la conjugaison de ces trois facteurs, pour conférer aux Etats-Unis une incontestable suprématie du fait de leur totale maîtrise des environnements tactique, opératif et stratégique, leur permettrait tout aussi facilement de gagner les coeurs.

Or malgré les indéniables succès du général Petraeus en Irak, l’expérience tirée des récents conflits tend à montrer que la capacité à gagner des guerres et à conquérir des territoires n’a pas forcément pour corollaire celle de gagner la paix. Parmi toutes les raisons susceptibles d’être avancées pour expliquer la difficulté des Etats-Unis à rallier à leur cause les populations des théâtres d’opérations sur lesquels ils sont engagés, deux au moins, parce qu’elles prennent leurs racines dans l’histoire et la culture américaines, méritent d’être évoquées tant elles semblent déterminantes, voire rédhibitoires.

La première est historique et paraît tenir à la manière dont a été effectuée la conquête de l’Ouest. Pays jeune au regard des nations européennes, les Etats-Unis se sont construits autour du thème structurant des “nouvelles frontières” et de la conquête des territoires indiens qui faisaient figure de terres inconnues et donc naturellement hostiles et dangereuses.

Cela se traduisait, outre une instinctive attitude de défiance, par des colonnes de chariots, qui, à la première alerte, se refermaient sur elles-mêmes dans un cercle autoprotecteur, délimitant ainsi le monde connu et civilisé de celui sauvage et donc forcément hostile qui se trouvait au-delà de l’anneau protecteur.

Ce schéma semble désormais immuable dans l’inconscient collectif américain. Ainsi au Kosovo, lors de l’opération “Trident”, en 1999, tandis que les unités française et britannique se scindaient parfois jusqu’à l’échelon de la section, pour mieux s’insérer dans leur milieu opérationnel et s’intégrer aux populations dont elles partageaient d’ailleurs les conditions de vie extrêmement sommaires, les forces américaines se refermaient sur elles-mêmes en se “bunkerisant” dans des camps, symboliques répliques du cercle de chariots du Far West.

L’on peut alors se demander si ce syndrome du type “Fort Alamo” ne reflète pas en réalité une incapacité à s’adapter et à s’ouvrir aux autres pour sinon les comprendre, du moins les respecter en dépassant la méfiance naturelle que suscite tout ce qui n’appartient pas à la sphère du “connu”.

La seconde raison qui expliquerait cette distanciation à l’égard des populations indigènes est de nature juridico-culturelle. En effet, pour s’intégrer dans une population étrangère et s’ouvrir à elle afin d’en être acceptée, encore faut-il, au-delà de tous les entraînements opérationnels auxquels peuvent être soumises les unités envoyées sur les théâtres d’opérations, que cette démarche d’ouverture à l’autre soit naturelle, spontanée et conforme aux standards culturels de son propre environnement national.

Les Etats-Unis gagnent les guerres, mais peuvent-ils gagner la paix ?

Or la législation extrêmement libérale relative à la détention d’armes aux Etats-Unis (environ 200 millions d’armes pour 300 millions d’habitants) a pour corollaire, et sans doute effet pervers, que chaque individu, parce qu’il peut être porteur d’une arme, est perçu comme un danger en puissance. Dès lors, son contrôle s’effectue à l’aune du risque potentiel qu’il représente et s’opère selon des procédures extrêmement strictes, contraignantes et parfois agressives.

Ce modèle, accepté et d’une certaine manière sociologiquement légitimé, a été érigé en standard policier et culturel, alors même qu’il serait totalement inacceptable dans la plupart des démocraties européennes. Il s’ensuit tout naturellement, par une sorte de glissement inconscient, que ce qui est considéré comme une norme de sécurité parfaitement admise sur le territoire américain s’impose à plus forte raison sur un théâtre d’opérations où l’autochtone est considéré comme un ennemi potentiel dont il faut, a priori, se méfier et se protéger.

Il en résulte deux conséquences. Pour les forces américaines, d’abord. En effet, obnubilées par le “dogme du zéro mort”, “formatées” par leurs propres standards culturels, et prisonnières de leur complexe obsidional qui a pu les conduire à des égarements tels que celui d’Abou Ghraib, elles courent le risque de se replier sur elles-mêmes au point de se couper de ceux qu’elles venaient précisément aider, au point de leur apparaître distantes et, parfois, méprisantes.

Pour les populations natives, ensuite. Assujetties, sur leur propre sol, à des règles d’engagement difficilement acceptables parce qu’aliénantes et parfois sources de dommages collatéraux, elles sont d’autant plus portées à considérer comme un envahisseur plutôt que comme un libérateur l’étranger venu les défendre. Ainsi la conjugaison de ces deux facteurs historique et culturel constitue-t-elle un puissant obstacle à la capacité de l’armée américaine de “gagner les coeurs et les esprits”.

Au-delà, il pourrait en résulter un risque pour nos propres forces. Engagées aux côtés de leur puissant allié, elles pourraient en effet être enclines à négliger leurs traditions et savoir-être hérités du maréchal Lyautey et oublier que “toute bataille gagnée au mépris de la dignité est, tôt ou tard, une bataille perdue”.

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