Espresso: the New American Social Barometer

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La crise : où ça ? Richard Girardot jubile. Le PDG de Nespresso, filiale de Nestlé, ouvrait récemment son deuxième café-boutique new-yorkais. Le premier était sur Madison Avenue, au coeur de Mannathan. Service élégant, pâtisseries fines, atmosphère argentée comme la couleur de l’uniforme du personnel. Le nouveau est dans Soho, un peu moins cher mais plus “hype” (branché chic). On ne se serait pas porté volontaire pour faire la promotion d’une marque si la “stratégie marketing” qu’elle a adoptée durant la crise, à rebrousse-poil de celle de ses concurrents, n’était indicative d’une vraie tendance.

La modernité, aux Etats-Unis, peut symboliquement se résumer à la relation entre deux “produits” autrefois consanguins en Europe du Sud et désormais antinomiques : l’express et la cigarette. Dans l’Amérique moderne, techno, urbaine et côtière, le petit noir, apparu il y a une quinzaine d’années, n’a cessé de progresser. En revanche, la cigarette y a progressivement été prohibée dans les lieux publics clos. A New York, la municipalité entend bientôt l’interdire en plein air, dans Central Park ou sur ses plages…

Preuve par le jus

Dans la “vieille” Amérique, en revanche, l’express reste quasi inconnu : trois Starbucks dans tout le grand Cleveland, trois millions d’habitants. En revanche, là comme à Detroit ou d’autres ex-bastions de cols bleus dévastés, on trouve toujours une chambre d’hôtel ou un espace “fumeurs” au restaurant. Bref, le “jus” est devenu “in”, donc un peu cher, quand le tabac s’est ringardisé.

Cela, jusqu’à la crise. Baisse de la recette aidant, les distributeurs ont changé de stratégie. Chef de file, Starbucks, qui s’adressait à une clientèle jeune, éduquée et relativement aisée, proposait des prix jugés plus en phase avec la qualité de son café et de ses dérivés. Mais avec la crise, des grands du fast-food comme McDo ou Dunkin’ Donuts se sont mis à proposer l’express à 1 dollar (0,75 centime d’euro). Starbucks a dû s’adapter, mettant brusquement l’accent sur ses offres moins coûteuses et sacrifiant des dizaines de franchisés et des centaines d’emplois.

Rien de tel chez Nespresso, qui a joué plus que jamais aux Etats-Unis la carte du haut de gamme chic. Ici, pas de café to go (“à emporter”) dans un gobelet en carton. Résultat : après New York et Montréal, Miami, Los Angeles et San Francisco, Boston et Scottsdale (Arizona) sont en piste pour accueillir la “coffee culture”. Les ventes par Internet se développent au Texas, en Arizona… Le marketing sélect, “membres du club” et “café de référence”, fonctionne à plein. Nespresso ne cesse d’embaucher et son chiffre d’affaires a augmenté de 30 % aux Etats-Unis, en 2009, quand celui des concurrents régressait.

La preuve par le jus que la crise a durement frappé les classes moyennes quand certains, mieux assis, ne l’ont même pas vue passer.

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