Obama Gives In to the Israelis

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Obama cède aux Israéliens

François Brousseau 27 septembre 2010 Proche-Orient

Le président Mahmoud Abbas est l’homme le plus accommodant, dans le camp palestinien, que les Américains et les Israéliens auront jamais eu comme interlocuteur dans le conflit israélo-palestinien.

Alors que Barack Obama en a fait «un homme d’un grand courage» et que Benjamin Nétanyahou a déclaré voir en lui «un partenaire de paix», il a été traité de tous les noms par plusieurs de ses compatriotes: vendu, lavette, jouet des impérialistes… En somme, le dindon d’une tragi-comédie sans fin intitulée «Les négociations israélo-palestiniennes».

En 2009, le monde entier demandait à l’État d’Israël de suspendre immédiatement et complètement les constructions nouvelles en Cisjordanie. Dans certains cas, la demande s’étendait à Jérusalem-Est, où des Palestiniens sont encore, en 2010, chassés manu militari de leurs demeures pour faire place à des colons juifs qui ont tous les droits.

L’arrêt net de cette colonisation est une condition sine qua non pour discuter d’une éventuelle paix en Cisjordanie et à Gaza: telle était la position de Barack Obama lui-même lorsqu’il est arrivé à la présidence.

Fin novembre 2009, le premier ministre israélien cédait un pouce: «Bon, d’accord, on suspend les permis de construction. Mais pour dix mois. Et en Cisjordanie, pas à Jérusalem-Est.» C’est cette suspension qui vient d’arriver à échéance. Suspension que M. Nétanyahou a refusé de prolonger, ce qui cause aujourd’hui un énième psychodrame israélo-palestinien.

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On se retrouve dans la situation ironique où une position israélienne «intransigeante» au printemps 2009 devient tout à coup, après mûre réflexion, acceptable à Washington… moyennant quelques changements de détail.

En substance, on disait aux autorités israéliennes: arrêtez, s’il vous plaît, cette provocation de tous les instants qui consiste non seulement à occuper un territoire que les Palestiniens considèrent leur, mais à augmenter continuellement la proportion du territoire couvert par les constructions juives.

Mais Benjamin Nétanyahou, depuis un an et demi — et avec cette pause tactique de dix mois qui a permis, début septembre, la belle annonce d’une «reprise des négociations» sous ombrelle américaine —, a tenu tête et roulé dans la farine ses chers «partenaires-alliés-arbitres» de Washington. Au point que le tandem Obama-Clinton ne pose même plus cette condition — le fameux «maintien du moratoire» — comme un absolu… Le moratoire devient plutôt un élément de négociation supplémentaire!

Plus encore, on demande maintenant à la partie palestinienne, n’est-ce pas, d’être «modérée» et de ne pas jeter de l’huile sur le feu en «instrumentalisant» une éventuelle reprise de la construction de colonies pour quitter la table des négociations, ou relancer les troubles… Ah, les vilains Palestiniens!

En éditorial, le quotidien Haaretz de Jérusalem écrivait pourtant hier: «Il n’y a pas de plus grande folie que l’expansion de la colonisation, au moment même où l’on tient des négociations censées mener à la création d’un État palestinien.»

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Cet épisode est un test crucial pour Israël, son caractère démocratique et son image dans le monde. C’est aussi un test pour la crédibilité de la politique étrangère américaine.

En Israël, un mouvement très fort, à la base du succès politique de Nétanyahou, mais dont il essaie aujourd’hui — de façon plus ou moins convaincante — de se distancier, a fait de la colonisation de toute la Judée-Samarie (la Cisjordanie en langue moderne) le devoir fondamental et éternel du peuple juif… Hier, ce puissant lobby politico-millénariste triomphait, et recommençait, sans même attendre minuit (heure officielle de la fin du moratoire), les pelletées de terre symboliques en territoire contesté.

Ce jusqu’au-boutisme est de mauvais augure. Il projette d’Israël l’image d’un pays nombriliste, obsédé par lui-même, qui envoie promener le monde entier, persuadé d’être haï tous azimuts et résistant obstinément aux appels venus d’ailleurs.

C’est aussi un grave moment pour la politique étrangère américaine. Marquée par quelques beaux discours de M. Obama, par les navettes de Mm Clinton, elle donne depuis 18 mois l’impression d’une politique de belles paroles et de bonnes intentions… mais sans plus.

À voir M. Obama céder aujourd’hui aux Israéliens, et considérer comme négociable ce qui était hier un préalable — le gel de la colonisation —, on se dit, comme Mahmoud Abbas samedi aux Nations unies, qu’«Israël doit choisir entre la paix et les colonies». Et l’on se désole qu’il ne soit pas capable de prononcer lui-même ces quelques mots précis.

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