Il y a à boire et à manger dans le Tea Party. Comme ailleurs, il a fallu du temps pour que ce mouvement soit pris au sérieux, lui qui court-circuite les partis traditionnels américains en prétendant établir une ligne directe entre les électeurs et le pouvoir. Aujourd’hui, bien qu’il puisse encore être écrasé dans le processus électoral de novembre, le Tea Party s’impose comme la seule force neuve en Amérique.
D’où sort-il? C’est le résultat de la récession et de la formidable rage qui s’empare des Américains lorsqu’ils songent au comportement de leurs élites. C’est aussi la conséquence de la crise financière, du sauvetage des banques et des excès de la finance qui ont conduit des millions de personnes à perdre leur emploi. C’est enfin la crainte d’une perte des «valeurs» de l’Amérique, de la fin de son rôle de modèle envié par le monde entier, la menée de guerres inutiles et meurtrières, la conscience que l’endettement et les déficits rendent illusoire la poursuite d’un rêve que l’on croyait éternel.
D’une certaine manière, l’irruption du Tea Party est le cri d’agonie des classes moyennes américaines, poussées vers la pauvreté tandis que la population la plus fortunée ne s’est jamais si bien portée dans le pays. Les incohérences de son programme politique sont aussi manifestes que l’ignorance de certains de ses leaders, maniant comme une seconde nature le populisme, la démagogie et parfois le mensonge éhonté. Malgré sa bonhomie de façade et le caractère rassurant de cette émanation populaire, le racisme et l’extrémisme sont parfois bien présents.
Or cette flambée populiste américaine ne devrait pas nous paraître si lointaine. Elle fait écho à la poussée de l’extrême droite dans plusieurs pays européens, des Pays-Bas à la Suède. La même crise économique est passée par là, et des craintes comparables se manifestent. L’Amérique, qui se proclame si singulière, et l’est
à maints égards, semble aujourd’hui rattrapée par un même rêve de «pureté originelle» et par conséquent d’exclusion. Par un même déni de réalité.
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