Le défi américain
Ecrit par
Nicolas BARRE
Lorsque l’économie et le système financier mondial étaient au bord de l’effondrement, il y a deux ans, tout était beaucoup plus simple. Gouvernements et banques centrales savaient ce qu’ils avaient à faire et ils l’ont fait : relance budgétaire, baisse des taux d’intérêt, achats massifs d’actifs. Les taux d’intérêt américains sont tombés à zéro fin 2008, ceux de la Banque d’Angleterre au printemps suivant et la BCE a ramené les siens à 1 %. Surtout, les banques centrales ont gonflé leurs bilans de titres dont plus personne ne voulait, qu’il s’agisse d’obligations grecques dans le cas de la BCE ou d’actifs hypothécaires dans celui de la Réserve fédérale américaine.
A ce jeu-là, la Fed a été de très loin la plus agressive, absorbant en un an, entre le printemps 2009 et le printemps 2010, plus de 1.000 milliards de dollars de titres immobiliers ! Mais, à l’heure du bilan, le résultat n’est guère probant. L’économie américaine ne repart pas comme espéré, le chômage reste élevé et l’inflation ne bouge pas. Autrement dit, le malade ne réagit pas ou peu à la potion monétaire qui lui a été administrée.
D’où la tentation, désormais officielle du côté de la banque centrale américaine, d’aller beaucoup plus loin. L’idée est la suivante : il s’agit pour la Fed d’acheter de grandes quantités d’obligations dans l’espoir de faire baisser les taux d’intérêt à long terme pour inciter en retour les entreprises et les particuliers à s’endetter. Cette stratégie baptisée « QE2 », car il s’agit de la deuxième étape dans la voie du « quantitative easing », revient ni plus ni moins à faire tourner la planche à billets, à imprimer des dollars, à en faire baisser la valeur, à créer de l’inflation.
Pour ce qui est de l’inflation, la bataille est loin d’être gagnée. C’est bien ce qui inquiète les autorités monétaires américaines – le scénario de la déflation à la japonaise -et c’est la raison pour laquelle la Fed va continuer à imprimer des dollars. Que cela le fasse baisser n’est – officiellement -pas son problème, tout juste un effet secondaire bienvenu.
Mais cette politique américaine nous pose à nous, Européens, un défi inédit. Faut-il suivre la Fed dans une stratégie dont on n’est pas sûr qu’elle marchera ? Peut-on laisser l’euro s’apprécier sans réagir ? Doit-on encourager, nous aussi, l’inflation pour alléger le poids de nos dettes ? Entre les voies nouvelles explorées par la Fed et l’orthodoxie prônée par la BCE, la divergence de politique entre les deux grandes banques centrales n’a jamais été aussi forte. Or, dans l’affaire, l’Europe et l’euro apparaissent comme les victimes désignées de ce grand écart.
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