En 2010, la campagne de mi-mandat voit débouler pour la première fois en politique l’arme nucléaire de destruction ciblée. Le site Politico a pisté Chris Bowers, chef du projet chez Daily Kos, site politique progressiste, à la manœuvre. On est loin du porte à porte des militants démocrates façon scouts de 2008 et des coups de fil de mobilisation. Barack Obama est-il au courant ?
Mon cher Google qui m’aide à repérer le trajet des manif’ ou me donner l’heure exacte du démarrage d’un spectacle, est à la une, avec sa bombe, qui fait un retour pas trop ragoûtant. Vous direz que ce n’est pas de sa faute et qu’il n’est qu’un outil. Mais en s’immisçant dans une campagne pour la première fois, il se retrouve en pleine lumière sur le podium. Malaise.
Si on résume, la bombe Google consiste à utiliser l’algorithme Google pour faire arriver en tête de la recherche, par vous ou moi, une info qui, sans cela, ne serait pas en haut de page. Considérant que les données les plus lues sont en tête, les entreprises et les campagnes de com’ utilisent ce tuyau un peu crevé depuis. En politique, on a beaucoup parlé de la mise en regard des mots «American failure» et «George Bush» en 2006, mais dans ce cas précis il s’agissait d’un constat et non d’une démarche proactive pour une élection.
Là, il s’agit de bousiller ou d’atteindre la réputation d’un candidat en faisant remonter sur Internet des histoires sur son passé ou ses opinions camouflées ou mal avouées etc.. C’est l’objectif de la campagne du site forum Daily Kos dont Chris Bowers est l’éditeur politique. Celui-ci demande aux dizaines de milliers de lecteurs et intervenants sur le forum de chercher et faire remonter des histoires, des polémiques ou des faits peu connus sur 98 candidats représentants républicains. Plus ces histoires seront cliquées sur Internet, plus elles remonteront en tête des sujets consultés sur Google. Vrai. Mais on s’insurge au fond de soi sur la possibilité d’erreurs en tous genres, voulues ou pas qui détruiraient des personnes.
On est très proche de la délation. Et la réponse de Chris Bowers est brutale. «C’est la version XXIème siècle du pamphlet.» En plus rapide tout de même et avec une marge d’erreur très forte. Et la rumeur ? Certes les dirigeants de Daily Kos disent faire le même travail que les distributeurs de tracts dans la rue mais on n’est pas convaincu.
Alors Daily Kos cite des cas de révélations politiques, publiées par Politico en septembre où un candidat Tea Party en Arizona, Jesse Kelly qui faisait campagne sur l’élimination de la sécurité sociale et du programme Medicare est revenu en arrière. Merci Daily Kos.
Devant l’inquiétude soulevée par cette démarche politique, Daily Kos affirme qu’il ne cherchera pas à lier des mots clés à des noms de candidats comme cela avait été le cas entre «American Failure» et «George Bush». En bref ils font de l’info et de l’éducation du citoyen ! Où avais-je la tête ?
Des précédents ? Pendant la campagne du Massachussetts Janvier 2010, 1000 messages anti Martha Coakley (Dem.) correspondant à neuf comptes Twitter avaient contribué au désastre mais n’en avaient été les seuls responsables. Scott Brown (Rep.) était devenu Sénateur du Massachussetts après une absence de campagne de son adversaire.
Qu’en pensent les dirigeants de Google ? Sur les manipulations du système ils sont forcément muets. Et ils ajoutent que par le passé ce type de tentative n’a pas vraiment marché. Sur la base de l’éthique du groupe tout ce qui multiplie la consultation du moteur est profitable. L’opportunité (et donc le risque) est plutôt soulignée par un patron de Reputation Defender qui voit dans l’abondance des informations produites une masse critique susceptible d’avoir un réel impact. Où est la marge entre l’info et la délation ?
On sait que c’est un outil très efficace : dans les derniers jours de la campagne les moteurs de recherche sont dévalisés pour en savoir plus sur les candidats. Google analytics sait même que dans ces périodes-là, 1/3 du trafic a lieu sur les sites de campagne politique.
Faut-il se boucher le nez, comme cette militante conservatrice, Mindy Finn, fondatrice de Engage DC qui laisse tomber car «cette tactique pue le désespoir».
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