Into the Mire

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Le cambouis

Comment passer du visionnaire au gestionnaire? Comment faire des compromis sans trop de compromission? Comment éviter la paralysie entre Congrès et Maison-Blanche? Seule évidence, pour l’heure: Barack Obama va devoir plonger ses mains dans le cambouis politicien. Sa défaite électorale, cinglante mais pas infamante, le met dans un cas de figure qu’ont connu avant lui Reagan, Clinton ou Bush. Mais la comparaison s’arrête là, tant les circonstances sont différentes. En particulier par rapport à l’époque de Clinton (1994). Contrairement à son prédécesseur démocrate, Obama va braver un Parti républicain sans maître incontesté et vampirisé par son extrême droite (Tea Party). Mais surtout, ce revers intervient en pleine crise économique et sociale, avec un retour en force des valeurs yankees (individualisme, défiance envers l’Etat, etc.) peu propice aux réformes de fond. Pourtant, de sa faiblesse peut naître sa force. L’urgence du moment, en particulier en matière d’emploi, et le pragmatisme des Américains peuvent ainsi ouvrir la voie à des solutions partagées et négociables. Mais là encore, entre Obama et Républicains, certains chocs frontaux sont programmés, notamment sur la façon de réduire l’endettement abyssal du pays. Après deux ans seulement, l’homme est donc contraint à «changer»: un changement subi, cette fois, plutôt que souhaité. Mais cela peut être aussi le lieu de démontrer sa véritable étoffe présidentielle, en évitant de tomber dans les nouvelles trappes ouvertes sous ses pas. Déjà entré dans l’Histoire, en qualité de premier président noir des Etats-Unis, Obama se doit de ne pas en sortir par la petite porte. S’il garde le cap et parvient à contrer la montée en flèche d’une étoile républicaine, d’ici 2012, sa propre étoile a tout pour éviter le trou noir sidéral que lui promettent les plus revanchards de ses ennemis.

PASCAL BAERISWYL

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