China–USA: The Cold War Changes Continents

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L’heure de la bataille a sonné. C’est la thèse de François Lenglet, directeur de la rédaction de La Tribune et auteur de La guerre des empires, un essai sur la montée en puissance de la Chine et de sa relation aux USA. L’auteur montre que la bataille pour la puissance sera rude sur bien des plans et que les possibilités d’un conflit armé ne manquent pas.

« Halte à la géopolitique des naïfs », c’est le leitmotiv de François Lenglet, directeur de la rédaction du quotidien La Tribune qui, dans La guerre des Empires démonte point par point le mythe du G2 : un condominium sino-américain qui « dirigerait la planète et serait en charge du bien commun ». Les deux géants seraient condamnés à s’entendre dans un équilibre de la terreur post guerre froide : « pour l’Amérique surendettée, il n’y a pas de salut sans le banquier de Pékin, qui achète des dizaines de milliards de bons du Trésor. Et pour le premier exportateur mondial qu’est désormais la Chine, il n’y a pas de croissance sans accès au marché clé : celui des Etats-Unis ».

Autant d’idées reçues qui n’existent que dans l’esprit de diplomates « qui sont à peu près aussi clairvoyants que les économistes avant la crise » ironise l’auteur. Si cette interdépendance des puissances trouve une certaine logique en période de croissance économique, il en va tout autrement en temps de crise. Loin du concept survendu de « Chinamérique », François Lenglet auteur, en 2007, de La crise des années 30 est devant nous, voit venir au loin une inéluctable confrontation des empires : « Nous sommes à la veille d’un choc comme notre planète en connaît à intervalles réguliers, toutes les trois ou quatre générations lorsque le leader en devenir affronte la puissance déclinante. L’histoire montre que cette lutte pour la puissance ne se déroule jamais de façon paisible. Au contraire, elle constitue le ressort des guerres les plus violentes ».

A travers la grande récession, c’est donc une vaste redistribution des cartes géopolitiques qui s’opère à l’échelle planétaire. Avec le lot d’instabilités qui en découlent.

Guerre économique, guerre monétaire, guerre énergétique, guerre idéologique aussi. Voilà à nouveau, à l’échelle mondiale deux modèles qui s’affrontent : l’occident démocratique avec le marché comme instrument de régulation économique et la Chine communiste autoritaire. Il n’empêche. Depuis la chute du Mur de Berlin, c’est bien le modèle chinois et sa compétitivité qui a marqué des points et attire à lui tous les regards. La crise n’a pas fait plonger la Chine. Au contraire, « la grande récession a offert à la Chine d’avoir la conscience de son propre pouvoir. L’économie mondiale est désormais dans les mains des chinois ».

Pourquoi dès lors s’encombrer de droit de vote et de liberté de la presse ? Ceux qui voyaient l’ouverture économique entraîner, naturellement, l’ouverture politique et la Chine devenir une grande Suisse en seront pour leurs frais. Après 1989, c’est en effet un pacte « tacite » que le PC a conclu avec sa population : un taux de croissance à deux chiffres contre la paix sociale. Jusqu’ici tout va bien, même si François Lenglet n’omet pas de citer les nombreux mouvements de révoltes populaires dans les usines, souvent déclenchés par les mingongs, ces citoyens de seconde zone, petites mains de moins en moins dociles de l’Empire du Milieu.

LA GUERRE FROIDE ET APRÈS ?

De là à imaginer l’avènement d’une démocratie à la sauce chinoise, l’auteur n’est guère optimiste : « la démocratie, elle ne séduit guère que quelques dissidents, qui n’ont pas plus d’audience que le Parti Communiste n’en a aux Etats-Unis ». Certes, encore que les très rares et ultra-réglementées expérimentations de démocratie locales initiées par le Parti ont été tellement restrictives –tous les candidats devaient appartenir au PC-, circonscrites à quelques cantons, pour être finalement rapidement abandonnées au motif de « contradictions au sein des structures de l’Etat-parti » qu’elles ne suffisent pas pour affirmer que le peuple chinois aurait définitivement renoncer à l’idée de s’abandonner aux charmes discrets et méconnus de ce système politique.

François Lenglet ne croît guère à une révolution des Lumières made in china, en revanche, il estime que la guerre « hors limites » est déjà déclarée. Dans ce passage de témoins des Empires, la transition ne se ra ni longue ni pacifique, « en multipliant les interactions économiques avec les voisins, elle expose davantage aux risques de conflit ». La bataille du Pacifique aura bien lieu. Une guerre froide ? Un conflit sur théâtre aquatique en mer de Chine ? Une explosion en Asie Centrale, région clé pour ses ressources en hydrocarbures ? Une nouvelle guerre de l’Opium ? Lenglet imagine plusieurs scénarios-fictions à la Clausewitz.

Le récent G20 de Séoul, où les deux Géants ont simulé l’entente cordiale sans pouvoir masquer l’absence de réelles et nouvelles convergences en est une illustration.

Seule consolation pour les Etats-Unis, la première puissance économique et militaire gagne un ennemi. Et pas des moindres. « Nous allons vous rendre le pire des services, nous allons vous priver d’ennemi ! », avait lancé en 1989, le diplomate soviétique Alexandre Arbatov à la veille de la chute de l’Empire Soviétique. L’histoire a montré à quel point le grand Satan soviétique s’était révélé finalement utile à l’occident : facteur de cohésion et de puissance. En sera-t-il de même ? Rien n’est moins sûr.

Sous l’administration Bush, la Chine avait retrouvé ce rôle d’ennemi économique avant qu’Obama ne tente de normaliser les relations avec Pékin. La vraie confrontation ne serait désormais qu’une question de temps…

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