Les premiers pas des «bleus» au Congrès de Washington
REPORTAGE – Les nouveaux élus ouvrent grands leurs yeux et leurs oreilles lors de la session «d’orientation». Mais ils gardent leurs convictions.
«Oui», Bob Schilling est très ému d’être là. «J’ai parfois les larmes aux yeux et je dois me pincer pour y croire», déclare ce nouvel élu républicain de la mouvance Tea Party, qui, avant de se lancer en politique, gérait un business de pizzeria dans l’Illinois, où il a raflé – avec 11 % d’avance – un siège de représentant tenu par les démocrates depuis trente ans. Mais «non», Bob ne se sent pas «intimidé» par Washington et sa formidable machine politique. «J’ai le sentiment d’être exactement là où je devrais être. La voiture Amérique est en train de perdre ses roues. Le peuple nous envoie ici pour y remédier et couper les dépenses. Je sais gérer un budget, je suis entrepreneur. Et je découvre que les gens ne sont pas meilleurs que moi ici. Ils sont tout à fait normaux», explique ce conservateur carré et résolu de 46 ans, dont la fraîcheur et l’enthousiasme un peu naïf rappellent les premiers pas de Mr Smith au Sénat dans le célèbre film de Frank Capra.
Ce jeudi soir, lors d’une réception du journal parlementaire The Hill à l’hôtel L’Enfant Plaza, Bob Schilling décompresse en sirotant du vin et en écoutant des parlementaires blanchis sous le harnais prodiguer des conseils à la cuvée des nouveaux élus, particulièrement nombreuse cette année puisqu’elle compte une centaine de membres, Chambre et Sénat confondus. Sa femme Christie, jolie blonde souriante qui se consacre à élever leurs dix enfants (!), est à ses côtés. Tous deux rient de bon cœur en entendant le vieux représentant démocrate John Dingell leur expliquer que «l’ennemi n’est pas l’autre parti mais… le Sénat !» «Pendant les six premiers mois, vous allez vous demander ce que vous venez faire ici, poursuit Dingell. Puis vous passerez le reste de votre mandat à vous demander ce que les autres font là.» La femme d’un élu démocrate conseille aux épouses de ne pas hésiter «à donner un coup de pied aux fesses» de leurs hommes, s’ils «deviennent trop arrogants».
Durant toute la semaine dernière, les élus ont participé à la sacro-sainte «session d’orientation» destinée à guider les nouveaux parlementaires dans le monde compliqué et miné de la vie «sur la colline» du Capitole. Comme des étudiants de première année débarquant à l’université, ils ont enchaîné des séminaires sur les questions d’éthique, la manière de gérer leur budget et de constituer leur équipe. Certains n’avaient jamais mis les pieds dans la capitale fédérale et s’émerveillaient de la beauté majestueuse des lieux. «Quand on a vu des escortes policières débarquer avec leurs sirènes, on s’est dit que quelqu’un d’important arrivait, avant de se rendre compte qu’elles étaient pour nous», s’exclame la femme d’un nouveau représentant du Mississippi. Les épouses ont eu leurs propres cours de déontologie, mais aussi sur le prix des appartements à DC. L’une des questions que les couples ont à régler est de décider s’ils vont s’installer en famille dans la capitale ou si les élus se contenteront de louer des appartements et de rentrer voir leur famille le week-end. Christie Schilling va rester dans l’Illinois avec les enfants et Bob fera des allers-retours. Il explique qu’il dormira sur un canapé dans son bureau en attendant mieux. Joe Walsh, un autre élu Tea Party de l’Illinois, a fait le même choix. Son obsession est de ne pas perdre le contact avec sa base.
«Un pistolet dans le dos»
Presque tous républicains, les nouveaux venus se méfient de la capitale fédérale comme de la peste. «Nous ne voulons pas devenir des créatures de Washington», résume Joe Walsh, dont le but principal est «de faire abroger la loi sur la santé» d’Obama.
Vendredi, les élus ont participé à une loterie pour l’attribution des nouveaux bureaux. Ceux qui ont tiré les premiers numéros ont pu choisir les mieux situés, dans l’un des six bâtiments qui entourent le Capitole, reliés aux hémicycles par deux métros privés. Joe Walsh a eu la chance d’obtenir le beau bureau que son prédécesseur, croyant gagner, s’était réservé – avant un ultime décompte des voix. Mais il garde la tête froide. «Nous arrivons ici avec un pistolet dans le dos. Le peuple nous a élus avec un mandat précis : couper dans les dépenses. Si nous ne le faisons pas, prévient-il, si les républicains échouent à le faire, nous serons balayés dans deux ans et un troisième parti émergera. C’est aussi simple que cela !» Le nouvel élu Tea Party promet de ne faire aucun «compromis» avec le président sur la nature des coupes fiscales et des dépenses, même si celui-ci avance dans leur direction. «Il est allé trop loin, l’heure n’est pas au compromis mais au combat», insiste Joe.
Cette question promet de susciter un vif débat au sein du Parti républicain, entre les anciens et les nouveaux arrivés. Bob Schilling, qui a voté démocrate dans le passé, est plus conciliant que Joe. Si le président fait de bonnes propositions, il les soutiendra. Mais il exprime le même souci de ne pas se laisser manger par les «washingtoniens». «Je vais à l’église chaque dimanche. Cela m’aidera», lâche «l’honorable député» Schilling.
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