Le gouvernement des États-Unis se retrouve dans l’embarras, depuis dimanche, avec le dévoilement de milliers de documents gouvernementaux via le site Internet WikiLeaks. Il y en aura encore davantage au cours des prochaines semaines alors que l’ensemble de 251 287 documents sera rendu public ; au Canada, l’affaire fera nécessairement jaser puisque quelque 2600 d’entre eux seraient à notre sujet. Il y aura sûrement des notes internes sur l’opinion que le gouvernement américain a eu de nos premiers ministres, et d’autres encore sur le Parti québécois et le mouvement souverainiste qui risquait de perturber les relations canado-américaines.
Quelques « secrets d’État » ont été révélés jusqu’ici, et ils révèlent certaines informations d’intérêt sur les affaires internationales. Comme les pressions répétées du roi Abdullah d’Arabie saoudite encourageant les États-Unis à bombarder les installations nucléaires de l’Iran, et le fait que c’est la Corée du Nord qui était le fournisseur en missiles de l’Iran. À l’interne, ces éléments étaient certainement largement connus, et même au sein de la vaste communauté diplomatique d’à peu près tous les états. La différence, c’est que tout cela est maintenant révélé au grand jour et que les populations des pays où existe la liberté de presse en sont maintenant informées. Pour les autres pays, tout cela demeure un grand secret.
Ces informations se trouvaient dans les notes diplomatiques que les ambassadeurs et le personnel des ministères des Affaires extérieures échangent avec leurs gouvernements. Ce sont des documents internes, parfois classés secrets. Plusieurs des informations qui ont circulé depuis sont davantage du domaine personnel, sur les habitudes de l’un ou l’autre chef d’État. Surtout, nous en apprenons sur la perception des États-Unis sur ces personnes et les mouvements qu’ils véhiculent. Personne ne s’étonnera de lire que le réel pouvoir en Russie est réellement entre les mains de Vladimir Poutine et pas de Dimitri Medvedev ; le lecteur s’amusera seulement du fait que l’auteur de la note diplomatique aura traité le second de Robin… et le premier de Batman. Personne ne sera surpris non plus de voir que les Américains considéraient le premier ministre de l’Italie, Silvio Berlusconi, « vaniteux et inefficace », ou le président de la France, Nicolas Sarkozy, « susceptible et autoritaire ». Nous nous en doutions déjà depuis longtemps.
Ce qui est plus inquiétant, c’est l’obsession du gouvernement américain à mettre la main sur des informations qui pourraient servir, devine-t-on, à embarrasser ou museler des dignitaires des Nations unies, par exemple, jusqu’au secrétaire général Ban Ki-Moon. Nous réalisons du coup que derrière les sourires « sympathiques », les poignées de main « chaleureuses » et les qualificatifs d’« amitié indéfectible », ça joue très dur dans les couloirs diplomatiques. Personne ne fait de cadeau à personne.
Par ailleurs, il ne faut pas tomber sur le dos des Américains pour autant. Certes, il y a eu une brèche dans les services de sécurité qui ont permis à un employé – ce serait un analyste de l’armée – de mettre la main sur cette liasse de documents internes, et de les couler au site Internet WikiLeaks par la suite. Mais ne nous scandalisons pas pour autant : si jamais des notes équivalentes de la Russie, de la Chine ou de la France devaient être mises au jour, elles ne seraient probablement pas plus tendres que celles-ci.
Pendant quelques années, la classe politique et diplomatique jouera serré avec les Américains qui ont perdu de la crédibilité avec cet exercice. Et puis une nouvelle génération fera progressivement son entrée dans ce cercle restreint et le temps fera son travail d’oubli.
Peut-être apprendra-t-on une leçon de toute cette histoire : que le culte du secret n’existe pas depuis l’arrivée de l’informatique et la popularité des moyens de communications globaux comme Internet. Tout gouvernement qui ne veut pas qu’une information ne s’ébruite pas n’a qu’à faire une chose : à ne pas la consigner par écrit !
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