Transparence, transparence… Serait-ce la loi et les prophètes ? En publiant une masse énorme de documents internes à la diplomatie américaine, le petit groupe de francs-tireurs du Net connu sous le nom de WikiLeaks en a fait, de toute évidence, un mot d’ordre absolu. Voués à raconter le monde – donc à éclairer ce qui se passe en coulisses -, les journaux ne peuvent se plaindre de bénéficier de cette documentation instantanée et massive sur le fonctionnement d’une politique étrangère qui affecte chacune de nos vies. Le citoyen non plus. Pourtant cette constatation de bon sens ne saurait les dispenser de réfléchir sur cette demande de transparence à tout prix. Il faut d’abord noter que dans l’opération qui nous occupe elle n’est pas totale. Comme c’est leur fonction, les organes de presse ont cherché, avant publication, à recouper, vérifier, évaluer les informations qui leur parvenaient. Ils ont surtout, le New York Times en tête, négocié avec les autorités concernées pour éliminer de leurs articles les éléments qui toucheraient à la sécurité nationale ou qui mettraient en danger la vie de telle ou telle personne. Les puristes y verront une concession critiquable. Ils auront tort. Dans un monde traversé par des conflits violents, un Etat ne saurait agir en permanence sous le regard instantané de l’opinion. Il a le droit de conserver ses secrets de défense, de discuter avec ses alliés ou ses adversaires dans la discrétion et même de monter certaines opérations spéciales, dès lors qu’elles sont soumises au contrôle des représentations élues. Même la démocratie la plus ouverte et la plus attachée aux droits de l’homme a besoin d’un Etat. C’est d’ailleurs un paradoxe que de voir WikiLeaks s’attaquer essentiellement aux démocraties, laissant de côté les dictatures les plus opaques et les plus répressives. Aussi bien, il est assez réconfortant de voir que les échanges secrets des grandes diplomaties sont fort peu différents, sur le fond, de leur discours public. Il faut croire que le machiavélisme qu’on prête aux gouvernants, toujours soupçonnés d’organiser de noirs complots, est moins grand dans la réalité que dans l’esprit de certains militants quelque peu paranoïaques.
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