The Fed and the ECB: The Double Mistake

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La Réserve fédérale américaine (Fed, banque centrale) et la Banque centrale européenne (BCE) poursuivent des stratégies totalement divergentes.

Face à la baisse de l’inflation à 1% et à l’installation du chômage aux Etats-Unis (stable à 9,6% en octobre, dont 48% de longue durée) qu’elle juge porteuses de déflation, la Fed s’est engagée dans une création monétaire tous azimuts : pression à la baisse sur les taux longs ; dévaluation du dollar ; émission supplémentaire de monnaie pour pérenniser les réductions d’impôts de l’ère Bush.

Face à l’avortement de la reprise et à la menace sur la survie de l’euro, la BCE reste passive et normalise les mesures exceptionnelles de taux et de liquidités appliquées depuis 2008.

La Fed s’est engagée dans un programme d'”assouplissement quantitatif” portant sur 600 milliards de dollars (427 milliards d’euros) d’actifs d’ici à la mi-2011. Elle sera alors à la tête d’un portefeuille d’actifs représentant 17 % du produit intérieur brut (PIB) des Etats-Unis, ce qui fera d’elle le premier détenteur de titres américains dans le monde.

Ce programme est inutile.

Le risque de déflation est nul aux Etats-Unis compte tenu de la démographie, de l’ampleur de la relance de 2009, de la flexibilité des structures et des acteurs. La reprise est enclenchée, avec 1 million d’emplois créés depuis fin 2009, l’augmentation des salaires et des heures travaillées, la hausse de l’investissement, le désendettement des ménages (de 140 % à 130 % du revenu disponible).

Ce programme est inefficace. Le déversement de liquidités n’aura pas d’effet sur l’économie réelle et la compétitivité. Il va provoquer des bulles spéculatives sur les matières premières et les actifs, puis créer une inflation comparable à celle du début des années 1970, qui vit les liquidités en dollars doubler entre 1968 et 1972.

Ce programme est dangereux. La Fed prend le risque d’un krach du dollar. La dévaluation compétitive du dollar, comparable à celle réalisée par Roosevelt en 1933, est dévastatrice pour les échanges et les paiements mondiaux.

Face à la réévaluation de leur monnaie, qui atteint 40 % pour le real brésilien, et à l’afflux de dollars, les pays émergents multiplient les mesures protectionnistes, les contrôles de capitaux (Indonésie, Corée, Brésil, Thaïlande) et les contre-manipulations monétaires : la banque centrale de Chine a augmenté les réserves obligatoires des banques afin de maintenir la parité du yuan.

La BCE, à l’inverse, demeure inerte face à l’implosion de la zone euro.

Contrairement aux Etats-Unis et à l’exception de l’Allemagne, il existe une possibilité de déflation en Europe, qui cumule déclin démographique, croissance molle, chômage de masse, surendettement et sous-compétitivité.

La surévaluation de l’euro a fait de l’Europe la variable d’ajustement de la reprise mondiale. Enfin, les économies de la zone divergent, tandis que, à sa périphérie, la Grèce, l’Irlande et le Portugal n’échapperont pas à une restructuration de leur dette.

Face à la montée des périls, la BCE conserve une politique monétaire restrictive, refusant les taux zéro et limitant strictement les mesures quantitatives (60milliards d’euros).

La rigueur monétaire s’ajoute à la rigueur budgétaire, entraînant le continent dans la déflation. Elle se traduit par la surévaluation absurde de l’euro, qui met en défaut les systèmes bancaires et les Etats les plus fragiles.

L’Europe s’affirme ainsi comme l’homme malade de l’économie mondiale en raison d’institutions et d’une stratégie monétaires inadaptées.

Antagonistes, les stratégies de la Fed et de la BCE présentent une commune irresponsabilité: elles sont gouvernées par l’idéologie et non par la raison économique.

La Fed veut relancer l’activité et l’emploi aux Etats-Unis, quitte à réamorcer l’économie de bulle et à encourager le protectionnisme, tandis que la BCE accroît les tensions internes à la zone euro. Elles exacerbent les déséquilibres structurels de la mondialisation et les risques de faillite d’Etats et de banques centrales.

La Fed et la BCE ont une responsabilité majeure dans les erreurs de politique monétaire et la défaillance de régulation qui ont conduit à la crise.

Loin de tirer les leçons de leurs erreurs, elles les démultiplient. Le prix à payer, déjà élevé, va s’envoler. Croissance atone et inflation aux Etats-Unis, ni croissance ni inflation en Europe. Et protectionnisme partout.

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