Un mois après la victoire des républicains, la bataille est ouverte au Congrès, alors que le président Barack Obama multiplie les compromis
De la «fiente de poulet». Des «manœuvres». Une «prise en otage». Ceux qui espéraient que le ciel allait se dégager à Washington après la tempête des élections de novembre doivent déchanter. Le Congrès américain vit dans le chaos ses derniers jours de session. Les démocrates? «Au bord de la crise de nerfs», comme le dit l’analyste Mark Halperin, en assurant qu’il n’a jamais vu ça depuis vingt-deux ans qu’il scrute la politique. Les républicains? Déterminés à ne rien lâcher, en attendant de contrôler solidement le Congrès à partir de janvier prochain. Placé entre le marteau et l’enclume, Barack Obama a préféré partir quelques heures en Afghanistan. Presque une sortie de repos… (lire ci-contre)
Le porte-monnaie est au centre de toutes ces polémiques. Les républicains en sont convaincus. Si les électeurs leur ont assuré un triomphe lors des élections du «midterm», c’était avec un mandat clair: s’opposer par tous les moyens à une hausse d’impôts, et empêcher les Etats-Unis de devenir «une nouvelle Suède». Or les réductions d’impôts consenties par l’administration Bush (afin de redonner un coup de fouet à l’économie après le choc du 11 septembre 2001) arrivent à expiration à la fin de l’année. Pas étonnant, dès lors, que cet enjeu se soit converti pratiquement en une question de vie ou de mort.
A partir de là, ce ne sont plus que calculs politiques. Ne permettre l’augmentation de ces impôts que pour les familles américaines les plus aisées, celles qui gagnent plus de 250 000 dollars par année? C’est la position défendue par les démocrates, qui prônent davantage de solidarité, sans toutefois employer ce terme, banni dans le vocabulaire américain. C’était aussi une des promesses faites par Barack Obama pendant la campagne électorale. Mais ce sera bientôt, sans doute, un de ses prochains reniements.
Compromis du président
Sachant que les républicains tiennent aujourd’hui le couteau par le manche, le président multiplie en effet les gestes de compromis. Cette semaine, Barack Obama a décidé de geler le salaire des fonctionnaires en signe de bonne volonté. Mais rien n’y a fait. D’autres propositions sont sur la table: porter la limite à des gains supérieurs à 1 million de dollars par année, et ne faire donc passer à la caisse que les ultra-riches… Garantir une prolongation générale de la baisse d’impôts générale, mais seulement pour une courte durée et à la condition qu’un coup de pouce soit aussi accordé dans le même temps aux chômeurs…
Autant d’offres, débattues de manière plus ou moins confidentielle, qui ont été jusqu’ici rejetées avec dégoût par les républicains. Les conservateurs ne veulent rien entendre, soit pour des raisons de «pureté idéologique» (un terme, lui, très à la mode dans l’Amérique actuelle) soit parce que les intérêts des «millionnaires» sont aussi les leurs, comme tentent de le suggérer les démocrates.
En toile de fond de ces débats se profile bien sûr la question du déficit public et des coûts astronomiques qu’engendrerait chacune de ces propositions. Mais l’affaire est avant tout symbolique. A la Chambre des représentants, les démocrates ont forcé un vote cette semaine, sachant qu’il ne déboucherait sur rien, mais obligeant ainsi leurs collègues républicains à refuser d’alléger les impôts pour 95% des Américains, au motif que les 5% les plus riches n’en bénéficiaient pas. «Une fiente de poulet», s’exclamait le républicain John Boehner, le futur président de la Chambre, littéralement hors de lui.
Traité Start en rade
Mais la colère démocrate – leur «crise de nerfs» – est aussi dirigée contre le président lui-même et contre ses accommodements jugés trop nombreux. Des groupes démocrates ont ainsi dépensé des dizaines de milliers de dollars pour lancer une campagne télévisée contre… un possible revirement présidentiel. Pratiquement du jamais-vu.
Les élus devraient passer ce week-end à continuer de s’étriper au Congrès. Et pendant ce temps, ont prévenu les républicains, il n’y aura pas la moindre avancée sur les autres dossiers qui devaient être refermés avant la fin de l’année. Au premier rang: la ratification du nouveau traité Start, soit la pièce maîtresse du contrôle des armements entre la Russie et les Etats-Unis.
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