Du vitriol aux armes
L’horrible drame de samedi à Tucson, en Arizona, n’est pas le fruit du hasard. Il est la triste résultante d’une culture du « laissez dire », d’une perversion de la liberté d’expression au point où tout discours, tout argument est permis dans la poursuite d’objectifs, politiques ou autres. Malheureusement, il faut que le sang coule pour que la société en prenne conscience et qu’on refasse le débat… jusqu’à la prochaine tragédie.
Parmi les victimes, on compte la représentante démocrate Gabrielle Giffords, un juge fédéral venu la saluer et une fillette de neuf ans qui, par une troublante coïncidence, était née le… 11 septembre 2001.
Même si les motifs du tireur fou ne sont pas encore connus, il est indéniable que le climat toxique de la joute politique américaine sert de toile de fond à de tels gestes insensés de la part d’individus instables, dangereux ou mentalement dérangés. Le shérif du comté où s’est produit ce drame déclarait que « la colère, la haine et le sectarisme qui ont cours dans ce pays deviennent scandaleux. Malheureusement, je pense que l’Arizona est devenu la capitale des préjugés et du sectarisme. » Il invitait d’ailleurs la société à faire un examen de conscience à la suite de cette fusillade.
La représentante Giffords faisait partie des 20 parlementaires démocrates visés par des mires de fusil sur une carte des États-Unis publiée sur la page Facebook de Sarah Palin, la figure de proue du mouvement conservateur Tea Party, et commentatrice politique sur la chaîne de nouvelles Fox News, fortement identifiée à la droite américaine. En juin dernier, l’adversaire de Gabrielle Giffords avait organisé une séance de tir au fusil-mitrailleur M16 dans le cadre de sa campagne. Il n’est pas étonnant qu’une rhétorique aussi tordue ne fasse son chemin dans l’esprit tout aussi tordu de certains individus et dont l’aliénation peut facilement se déclencher à la première occasion.
Le débat sur la violence et la polarisation du discours politique, tant aux États-Unis qu’ici même, ne fait que s’amorcer même si le pronostic de changement n’est guère encourageant, même à court terme. Quand la culture des armes à feu se transmet comme par osmose dans la culture politique, on s’expose naturellement à de telles tragédies. Les appels à la tolérance et à la raison ne durent souvent que le temps que les esprits s’échauffent à nouveau sous l’effet d’autres discours ou commentaires incendiaires.
Nous devons tous nous sentir interpellés par de tels drames. L’Arizona est au coeur de débats caustiques et acrimonieux sur l’immigration et la réforme de la santé. Toute société est aux prises avec ses propres débats, ses propres démons. Nous avons tous nos propres recoins d’Arizona. C’est notre responsabilité et celle de nos leaders de faire en sorte que les échanges soient motivés par le bien commun et non par la défaite de l’adversaire à la joute politique où tous les coups, même les plus bas, sont permis
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