In the Bible Belt, Atheists Have Turned into Rebels

<--

Dans la Bible Belt, les athées se rebiffent

(Fort Worth, TEXAS) Certes, Terry McDonald s’attendait à des réactions négatives. Mais de là à déclencher une bataille théologique par pancartes interposées dans sa propre ville… En décembre dernier, l’organisation athée qu’il préside, Metroplex Atheists, s’était offert une campagne de communication d’un genre inédit : quatre bus sillonnant les rues de Fortworth placardés d’affiches sur lesquelles ont pouvait lire: «Millions of people are good without God» («Des millions de gens sont bons, même sans Dieu»).

«Tout ce que l’on voulait, c’est dire aux gens qui ne croient pas en Dieu qu’ils ne sont pas seuls, qu’ils sont bienvenus s’ils veulent rejoindre notre groupe, justifie aujourd’hui Terry McDonald. Il ne s’agissait en aucun cas d’une attaque contre les valeurs chrétiennes.»

Tout le monde ne l’a semble-t-il pas entendu de cette oreille. Un révérend a aussitôt appelé à un boycott des bus, tandis qu’un autre groupe de chrétiens a loué une camionnette pour suivre les véhicules en question avec le message suivant : «I still love you – God. 2.1 billion Christians are good with God.» («Je vous aime toujours – Dieu. 2,1 milliards de Chrétiens sont bons avec Dieu.») «Et je ne parle pas des dizaine d’e-mails que j’ai reçus, s’amuse Terry. Les plus gentils se terminent en général par “Je vais prier pour vous”.

Devant les proportions prises par l’affaire, la société de Transports de Fort Worth a tenu une réunion de crise, durant laquelle chaque camp est venu faire entendre sa voix. Finalement, la compagnie a voté en faveur d’une interdiction pure et simple des publicités à caractère religieux – et athée. La décision n’a pas fait plaisir à tout le monde, religieux comme défenseurs du premier amendement, qui défend en principe la liberté d’expression. Mais Terry McDonald s’en réjouit au final : «Cela va dans le bon sens, celui d’une séparation stricte de l’Eglise et de l’Etat, pour laquelle nous avons toujours milité.»

Terry estime que l’approche de Noël aura sans doute contribué à exacerber les passions. Pourtant, se défend-il, la campagne d’affichage avait été à l’origine pensée pour le 4 juillet, jour de la fête nationale, mais les fonds nécessaires n’avaient pu être réunis à temps. «Après tout, décembre n’appartient à personne!», plaide-t-il. Le groupe mène également des actions plus discrètes, comme le remplacement des symboles religieux dans les crèches des mairies par des emblèmes patriotiques, ou des opérations de nettoyage des bords d’autoroutes. «On tente de faire comprendre aux gens que les athées sont aussi des gens biens, comme les autres, qui aiment leur famille et paient leur impôts.»

Cela peut faire sourire en France, mais au Texas, en plein cœur de la Bible Belt, cela n’a rien d’une évidence. «Les pressions sont telles que beaucoup de gens n’osent tout simplement pas dire qu’ils ne croient pas en Dieu. Ils craignent d’être rejetés par leur famille, leurs amis, leurs collègues…», témoigne Terry. Lui n’a que faire des pressions : «Mes parents sont décédés et je suis à la retraite, alors vous savez…» Pour le reste, il y a des sujets qu’il évite d’aborder lors des repas en famille, comme ses activités militantes, et il a passé ce dernier Noël dans une cabane au fonds des bois, avec sa femme….

Rompre l’isolement est l’une des premières raisons d’être des cercles athées, qui tiennent lieu de club social. Il en existerait une quinzaine dans l’agglomération de Dallas-Fort Worth, comptant 3.000 à 5.000 membres. Fondé dans les années 80, Metroplex Atheist est le plus ancien d’entre eux. Ses membres aiment à se retrouver au moins une fois par semaine, autour d’une bière et d’un bon repas.

Il y a ceux qui s’affichent sans complexe, comme Randy, qui arbore une casquette portant l’inscription «Out of the closet – Atheist» («Les Athées sortent du bois»). Sa famille, chrétienne évangéliste, n’approuve guère, mais a renoncé à le convertir. «Ma femme se contente désormais de porter un T-shirt où il est écrit : “Don’t make me come down here – God”, s’amuse-t-il. L’homme édite une lettre d’information, The Atheist Voice, et tient à cette bouffée d’oxygène hebdomadaire.

Et il y a ceux qui viennent en catimini, comme Carolyn. «Dans mon quartier, me confie-t-elle, personne ne sait que je suis athée. Ni mes voisins, ni mes amis, juste mon mari.» La crainte est toujours la même : être rejeté, devoir se justifier, se voir refuser une promotion ou même perdre son travail. Carolyn vient d’un comté conservateur, où, m’a-t-on dit, l’on s’adonne à la lecture de la Bible en plein air pendant 24 heures d’affilée. «Je travaille dans la fonction publique, justifie-t-elle. Aujourd’hui encore, il est inscrit dans la Constitution du Texas que nul ne peut exercer dans la fonction publique s’il ne croit pas en Dieu…»

Zach, lui, croit aux vertus du dialogue. Avec son organisation baptisée Fellowship of Free Thought, il tente de sensibiliser la communauté chrétienne. «On ne cherche pas à fermer des Eglises, on veut juste faire comprendre aux gens que ne pas croire est aussi une option valable, et que les Athées ont aussi besoin d’un lieu où se retrouver». Il vient justement de déjeuner avec le révérend qui a appelé au boycott des bus. «Il y a de toute évidence eu un malentendu. Les bus qui portaient les messages athées desservaient des quartiers noirs défavorisés. Ils ont pensé qu’on leur avait envoyé ce message à dessein, alors que l’on n’a aucun contrôle sur la destination des bus. Beaucoup pensent que l’athéisme est un truc de blancs, et ils l’ont vécu comme une attaque contre leur communauté.» Zach est donc venu leur parler, accompagné d’un ami noir et athée.

Terry se réjouit pour l’heure des retombées positives de l’opération. Il dit avoir reçu des e-mails de soutien des quatre coins des Etats-Unis, de même qu’un chèque de 1.000 dollars envoyé par une vieille dame de Floride. Il veut croire que les mentalités évoluent, mais pas au point de voir un jour tomber l’ultime tabou aux Etats-Unis. Après un président catholique, un président noir… à quand un président athée ? «Sûrement pas de mon vivant!» s’exclame Terry.

About this publication