Steve Jobs, le patron impossible à remplacer
En arrêt maladie, l’homme fort d’Apple va manquer à son entreprise.
Par GUILLAUME GRALLET
Même s’il a laissé les rênes d’Apple à Tim Cook, Steve Jobs en reste pour l’instant le P-DG. Cela rassure les marchés et une bonne partie des fans de la firme à la pomme. Et pour cause. Dans son style, Steve Jobs offre un cocktail unique en son genre.
Ce dernier se distingue par plusieurs critères :
Son côté ascète
Alors qu’il était étudiant (peu assidu) dans l’Oregon, Steve Jobs a souhaité participer au Kumbh Mela, grand rassemblement hindou qui se déroule tous les quatre ans au bord du Gange, en Inde. S’il n’est pas resté aussi longtemps qu’il le voulait, son voyage s’est transformé en parcours initiatique. “Je l’ai vu être malade d’indigestion durant plusieurs jours sans se plaindre une seule fois”, se rappelle son ami d’enfance Daniel Kottke, rencontré à Reed College. Un autre exemple ?
Sa rémunération
Certes, Steve Jobs est assis sur une confortable fortune (5,5 milliards de dollars, selon Forbes). Et avec plus de 50 millions d’actions, il est, de loin, le premier actionnaire individuel de la firme à la pomme. Sans parler du cours de l’action Apple (multiplié par 30 depuis 2000 !) qui lui garantit de jolies plus-values à venir sur les stock-options que lui accorde régulièrement le conseil d’administration. Mais, alors qu’Apple est l’entreprise high-tech la plus valorisée en Bourse, Jobs n’est “que” la 136e fortune au monde, loin derrière Bill Gates, Sergey Brin, Steve Ballmer ou encore Michael Dell. En dehors de ses stock-options, son salaire à proprement parler se limite en 2010 d’ailleurs à… un seul dollar. Combien de patrons le suivraient sur cette voie ?
Sa passion pour le design
Andy Hertzeld, un des membres de l’équipe Macintosh des débuts et aujourd’hui chez Google, raconte souvent que Steve Jobs passait régulièrement à l’enseigne Macy’s pour y étudier l’arrondi ou les couleurs des cafetières qui y étaient vendues. Un épisode également relaté dans Inside Steve’s Brain, écrit par Leander Kahney. En 2003, il déclare au New York Times : “Le design, ce n’est pas seulement l’apparence et la sensation, c’est aussi l’utilité.” Steve Jobs est par ailleurs un des premiers P-DG à avoir directement rattaché le département du “design” à la direction générale.
Son obsession des détails
Jobs veut tout maîtriser. Le moment exact de l’annonce des produits, ce qui suscite une curiosité folle tant que ceux-ci ne sont pas encore dévoilés, et la manière aussi. Un contrôle qui peut s’avérer… envahissant. Cette responsable de communication en a fait les frais au début des années 1990. Parce qu’elle avait légèrement modifié la typographie recommandée pour une présentation à la presse, elle a été priée de quitter l’entreprise.
Sa volonté d’en découdre
“Au tout début d’Apple, il se réveillait souvent au milieu de la nuit en disant, en brandissant un poing en l’air : je veux conquérir le monde”, se souvient Chris-Ann Brennan, qui lui a donné sa première fille, Lisa. Au risque d’agacer. “Rien de plus énervant quand, les baskets sur la table, il vous explique qu’il peut très bien se passer de vous”, raconte le patron d’un grand opérateur de télécoms européen. Son énergie n’a que redoublé à son retour chez Apple en 1997. Il n’avait pas supporté d’avoir été évincé en 1985 de l’entreprise qu’il avait lui-même créée neuf ans plus tôt. Qui plus est par John Sculley, un ex de Pepsi qu’il avait lui-même recruté. Durant sa traversée du désert, il avait même peaufiné un plan avec son ami Larry Ellison (Oracle) pour que ce dernier rachète Apple et lui rende les clés…
Alors, on peut se demander qui sera le mieux à même de succéder à Jobs. Le retour de Larry Page à la tête de Google le montre bien : il est difficile pour une entreprise, qui plus est une ancienne start-up, de conserver dynamisme et enthousiasme sans son fondateur. En interne, on évoque les noms de l’ex d’IBM et fidèle Tim Cook, du responsable du marketing Phil Schiller, celui du design Johnatan Ive ou encore Scott Forstall, qui entretient les relations avec les développeurs de l’iPhone ? Le conseil d’administration piochera-t-il à l’extérieur ? Place à l’imagination : pourquoi pas Bill Gates, le meilleur ennemi de Jobs durant trente ans et qui, depuis qu’il a pris ses distances avec Microsoft, ne tarit pas d’éloges sur lui ? Ou bien encore ira-t-on rechercher un compagnon du départ comme le charismatique Steve Wozniak ? S’il reste proche de Jobs, Woz a déclaré à Cnet qu’il ne s’attendait pas à l’annonce du dernier congé médical de son ami. S’il reste encore aux manettes pour une période indéterminée, nul doute que Jobs en personne donnera son avis pour la suite, assignant au futur P-DG la tâche la plus difficile qui soit : lui succéder.
Leave a Reply
You must be logged in to post a comment.