Pourquoi le dollar ne profite pas des révolutions arabes
Le dollar a cédé du terrain face à toutes les principales devises (sauf le dollar néo-zélandais) depuis le 24 janvier, date du début de la révolution en Egypte. L’or en février a rebondi de 5, 7%. Le Franc suisse, le yen, la livre sterling et l’euro ont profité de sorties affectant le dollar.
L’Europe est pourtant géographiquement bien plus exposée au risque de déstabilisation du monde arabe. Sans compter que la crise de gouvernance de l’euro n’est pas du tout réglée. Et que la situation économique en Grèce, en Irlande et au Portugal est assez mauvaise et fait douter du succès de la politique du FMI et de l’Union Européenne.
Pourquoi le dollar ne joue-t-il pas son rôle de valeur refuge ?
Je vois trois explications à ce phénomène.
1) Des anticipations de hausses de taux d’intérêt défavorables au dollar.
À tort ou à raison, les investisseurs attribuent plus de crédit à la BCE qu’à la Fed en matière de lutte contre l’inflation. Ils voient la Fed tolérer une hausse temporaire des prix induite par la hausse des cours des matières premières. Ils jugent que la BCE sera la première à relever ses taux directeurs si l’inflation s’aggrave en Europe.
La Fed a tellement répété qu’elle maintiendra ses taux très bas très longtemps, qu’on le croit partout.
2) L’absence de propositions d’Obama pour réduire le déficit budgétaire américain
Barack Obama continue de laisser les républicains proposer des réductions de dépenses publiques. Son projet de budget annoncé mi-février a été critiqué par la presse d’ordinaire pro-démocrate: à court terme la Maison blanche ne veut pas réduire sérieusement les dépenses publiques.
À moyen terme, la Maison blanche affirme vouloir négocier un paquet de réduction de dépenses, assortie de réformes fiscales et de hausses de revenus. Mais concrètement elle laisse le Congrès en imaginer le détail. Sans implication directe du Président, rien ne se fera.
Ce laissez-faire fiscal contraste avec l’austérité mise en oeuvre par de nombreux pays européens, à court et surtout à moyen terme.
3) La politique d’assouplissement monétaire de la Fed est jugée inflationiste
Le “quantitative easing” lancé par Ben Bernanke en novembre n’a convaincu personne, en dehors des amis du patron de la Fed. On y voit un programme de 600 milliards de dollars d’impression de billets verts à un moment où l’économie américaine accélère. On n’est pas certain non plus que l’expérience sera abandonnée comme prévu en juin.
4) La baisse du dollar est bien vue par la Maison blanche
La parité du dollar est rarement discutée à Washington. Le désir de l’administration Obama de stimuler les exportations et de réduire les importations est servie par une lente érosion du billet vert.
5) La hausse du pétrole menace plus l’économie américaine que l’Europe
L’économie américaine est plus sensible aux hausses de prix de l’énergie que l’économie européenne. D’abord parcequ’elle consomme plus d’énergie. Ensuite par que l’énergie y est moins taxée et que par conséquent la volatilité des prix est plus forte pour le consommateur américain.
Conclusion:
Ces mouvements de défiance à l’égard du dollar peuvent se retourner dans le prochaines semaines si…a) l’économie européenne ralentit plus que prévu…alors que dans le même temps b) l’élan de l’économie américaine se révèle plus fort que prévu, surtout dans le cas de créations importantes d’emplois…c) des discussions sérieuses s’engagent pour réduire le déficit budgétaire…
d) la crise de l’endettement public et les carences de gouvernance dans la zone euro peuvent vite revenir au premier plan…et prendre à contre pied ceux qui ont vendu le dollar à terme…
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