Barack Obama and Latin America: The Absence of a “Grand Design"

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L’intervention internationale en Libye a brouillé le récent voyage de Barack Obama en Amérique latine – le premier hors Mexique. Du 19 au 23 mars, le président américain s’est rendu au Brésil, au Chili et au Salvador, sans cesser de suivre le cours des opérations militaires. La semaine suivante, du 28 au 30 mars, l’ancien président Jimmy Carter a effectué une visite à Cuba, un déplacement interdit à son successeur démocrate dans l’état actuel des choses. Mais il est permis de voir dans cette séquence une répartition des rôles.

L’élection de M. Obama avait eu un impact auprès des Latino-Américains, au point d’inverser la désaffection provoquée par l’administration républicaine et la guerre d’Irak. Même dans les pays gouvernés par la gauche, le nouveau président avait suscité une attente. En avril 2009, au sommet des Amériques, à Trinité-et-Tobago, l’optimisme était de mise.

Ensuite, l’expectative s’est partiellement dissipée, parce que les priorités stratégiques de la Maison Blanche se situaient ailleurs, sans oublier une scène intérieure compliquée par la crise économique. Alors que M. Obama a dû ferrailler pour son projet de couverture maladie, comment aurait-il pu s’engager en même temps sur la réforme migratoire promise aux Latinos pendant la campagne électorale ?

En juin 2009, le coup d’Etat au Honduras n’a rien arrangé, même s’il a été unanimement condamné. A en croire les télégrammes diplomatiques révélés par WikiLeaks et examinés par Le Monde, l’ambassadeur américain à Tegucigalpa, au centre du jeu politique hondurien, avait sous-estimé jusqu’à la dernière semaine les risques de putsch. L’Organisation des Etats américains (OEA) a suspendu le Honduras.

La signature d’un accord sur l’utilisation de bases colombiennes par des troupes américaines, dans le cadre de leur lutte antidrogue, a brouillé davantage l’image des Etats-Unis. Par la suite, la Cour constitutionnelle de Bogota a enterré cet accord, et le nouveau président colombien, Juan Manuel Santos, ancien ministre de la défense, n’a rien fait pour le relancer.

Vingt-six mois après la prise de fonctions de M. Obama, sa première tournée latino-américaine était donc très attendue. Le “localisme” étant le complément inévitable de la globalisation, l’opinion de chaque pays l’a appréciée sous un prisme national, alors qu’elle gagne à être vue dans son déroulement.

Les Brésiliens se sont sentis confortés dans leur rôle de puissance émergente, même si M. Obama n’a pas soutenu leur revendication d’un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies. La réticence ne découle pas tant des positions du Brésil à l’ONU sur l’Iran ou la Libye, mais de savoir à qui reviendrait le second siège latino-américain : Mexique ou Argentine ? Et pourquoi pas la Colombie ou le Chili ? Le sujet divise les intéressés.

Comme les discours de Prague et du Caire, celui de Santiago du Chili était censé ouvrir une “nouvelle ère” de partenariats équitables. Malgré les échanges croissants avec la Chine, les Etats-Unis restent le premier partenaire et le premier investisseur en Amérique latine. Lieu de mémoire, le palais présidentiel de la Moneda accueillait le représentant d’un pays qui avait conspiré pour renverser le président socialiste chilien Salvador Allende. M. Obama n’a pas évoqué ce dernier, mais il a cité deux fois le poète communiste Pablo Neruda, mort peu de temps après le putsch. Aux Chiliens qui souhaitaient un mot de repentance, il a promis la coopération de son administration à l’élucidation des violations des droits de l’homme.

Le geste attendu est venu au Salvador, lorsque le président américain s’est incliné devant le tombeau de Mgr Oscar Romero, l’archevêque assassiné par un commando d’extrême droite en 1980. Les Etats-Unis étaient encore plus impliqués dans les guerres civiles d’Amérique centrale que dans les putschs sud-américains.

Cinquante ans après l’Alliance pour le progrès lancée par John F. Kennedy, Washington n’a plus de “grand dessein” à proposer à l’Amérique latine, si ce n’est des “valeurs communes” à partager et une interdépendance à gérer. Presque partout, des démocraties aspirent à la sécurité, à la croissance et surtout à davantage d’égalité des chances. Principale ombre au tableau, Cuba n’est plus une menace comme à l’époque de la guerre froide. Le Brésil, le Chili et le Salvador montrent, comme l’a souligné M. Obama, qu’une transition démocratique et l’alternance peuvent se faire pacifiquement.

A Santiago, le président américain a rappelé les ouvertures faites par son administration à l’égard du régime cubain. A La Havane, Jimmy Carter a proposé aux deux parties d’aller plus loin. Aux Etats-Unis, l’ancien président a demandé la fin de l’embargo et la libération de cinq agents cubains emprisonnés en Floride. A Cuba, il a plaidé pour l’Américain Alan Gross, condamné à quinze ans de prison alors qu’il est “innocent”, mais aussi pour la liberté d’expression et de circulation des Cubains et pour les droits de l’homme, après s’être entretenu avec des opposants. M. Carter devrait trouver à la Maison Blanche une oreille attentive.

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