Mormons Dream of the Presidency

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En observant la scène politique américaine, les mormons se mettent à rêver. En 2012, pas un, mais deux de leurs coreligionnaires, Mitt Romney et Jon Huntsman, pourraient avoir la chance de déloger Barack Obama de la Maison-Blanche.

En revanche, en tournant leur attention vers la scène théâtrale new-yorkaise, ils se désolent. Ces jours-ci, à Broadway, l’une des comédies musicales les plus populaires, The Book of Mormon, ne s’approprie pas seulement le titre de leur livre saint, mais ridiculise également leurs dogmes.

D’où la question: les préjugés et les stéréotypes dont font encore l’objet les mormons aux États-Unis constituent-ils un obstacle insurmontable aux ambitions présidentielles des politiciens appartenant à leur Église?

La question se pose avec encore plus d’acuité pour les candidats mormons à l’investiture du Parti républicain, comme a déjà pu le constater Mitt Romney, l’ancien gouverneur du Massachusetts, qui a confirmé cette semaine son intention de briguer la présidence pour la deuxième fois.

«Nous savons que la religion a été un gros problème pour Mitt Romney lors des primaires de 2008», dit John Green, spécialiste du rôle de la religion en politique. «Dans les sondages réalisés à l’époque, les chrétiens évangéliques blancs, qui constituent un électorat très important au sein du Parti républicain, ont indiqué qu’ils étaient moins susceptibles de voter pour un mormon, en grande partie pour des raisons religieuses.»

L’arrivée d’un deuxième candidat mormon à la présidence, en l’occurrence Jon Huntsman, actuel ambassadeur des États-Unis en Chine et ex-gouverneur de l’Utah, pourrait cependant changer la donne, selon Green.

«Un très beau compliment»

«La présence de deux candidats mormons viables pourrait faire en sorte que l’appartenance à cette religion soit perçue comme une chose courante et, par conséquent, plus acceptable», a déclaré en entrevue le politologue de l’Université d’Akron en Ohio.

Aussi photogénique que Mitt Romney, Jon Huntsman annoncera dans les prochaines semaines sa décision sur une candidature présidentielle. En attendant, les quelque 6 millions de mormons américains, qui sont concentrés dans les États de l’Ouest, ne peuvent s’empêcher de bomber le torse.

«Je pense que le mormon moyen est fier que deux de nos gars se soient rendus assez loin dans leur carrière politique pour être considérés comme présidentiables , dit Gary Lawrence, sondeur et auteur, qui est lui-même mormon. C’est un très beau compliment.»

Mais Lawrence ne se fait pas d’illusions. En 2008, après avoir sondé la population américaine, il a fait valoir, dans un livre intitulé How Americans View Mormonism, que ses coreligionnaires ont un sérieux problème d’image.

«La donnée la plus importante est que 37 % des Américains ont une opinion favorable des mormons contre 49% qui ont une opinion négative», résume-t-il.

Ironiquement, Gary Lawrence ne se formalise pas du succès de la comédie musicale des créateurs de la série d’animation South Park, Trey Parker et Matt Stone, qui raconte les aventures de deux jeunes et naïfs mormons en mission dans un village ougandais miné par le sida, la misère et la guerre.

«Je me fous du nombre de personnes qui nous haïssent, pourvu que nous augmentions le nombre de personnes qui nous aiment, dit-il. Si, au-delà de son langage vulgaire, cette comédie musicale incite des gens à s’intéresser au Livre de Mormon, alors elle nous aide. »

Combien de temps?

Ce qui est bon pour l’Église mormone n’est cependant pas nécessairement bon pour les politiciens qui en font partie. Ainsi, la religion demeurera le plus grand handicap de Mitt Romney en 2012, selon Carl Forti, directeur adjoint de la campagne présidentielle de l’ex-gouverneur en 2008.

«Ce n’est pas quelque chose que l’on peut mesurer avec précision dans un sondage, mais il y a un préjugé réel», a-t-il déclaré, fin mars, lors d’un débat organisé à Washington par le National Journal.

Il y a quatre ans, Mitt Romney avait employé deux stratégies pour gérer le problème de sa religion. Il avait d’abord ironisé sur la pratique ancienne de la polygamie en exprimant son opposition au mariage homosexuel. «Le mariage est entre un homme et une femme… et une femme et une femme», avait-il déclaré à diverses reprises.

Puis il avait tenté de relancer sa campagne en perte de vitesse, en décembre 2007, en prononçant un discours pour rassurer les chrétiens évangéliques sur sa religion. «Je ne définis pas ma candidature par ma religion, nul ne doit être élu ou rejeté en raison de sa foi», avait-il dit.

Les commentateurs avaient fait le parallèle entre ce discours et celui de John Kennedy à des pasteurs protestants inquiets face à la possibilité de voir un catholique s’emparer de la Maison-Blanche.

«Il y a lieu de croire que si les protestants ont pu surmonter leur méfiance à l’égard des catholiques, les évangéliques peuvent probablement faire de même face aux mormons, dit le politologue John Green. La question est de savoir combien de temps ça prendra.»

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