One Year of Louisiana Oil Slick

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Un an tout juste après l’explosion de la plate-forme Deepwater Horizon au large de la Lousiane, voici à quoi ressemble la baie Jimmy, une soixantaine de kilomètres au sud de la Nouvelle-Orléans. Le pétrole est là depuis juin dernier au moins, raconte le capitaine Zach Mouton qui nous a emmené voir les dégâts avec une équipe d’écologistes du Gulf Restoration Network.

Tout le long de la côte souillée, la seule mesure de protection visible sont ces canons à propane, pour effrayer les oiseaux et les dissuader de venir s’engluer dans le pétrole. Toutes les quelques secondes, ils émettent un bruit sourd et lugubre, qui met bien en musique le drame.

A une demi-heure de là en bateau, sur l’île de Grand Terre, le pétrole s’est coulé dans les anciennes caves voutées du Fort Livingston, un fort construit à partir de 1834 pour protéger la Nouvelle-Orléans. Sur les murs, on distingue bien la trace du pétrole. Jonathan Henderson, notre guide du Gulf Restoration Network, montre en plongeant un bâton comment récolter une pâte noire qui sent le pétrole. L’odeur n’est pas très forte, mais en approchant le nez, le fumet rappelle l’asphaltage d’une route ou une visite à la station-service.

Sur la plage qui entoure le Fort Livingston, des boulettes de goudron. Certaines sont toutes fraîches, signalent les experts du Gulf Restoration Network. Elles peuvent provenir non seulement du puits Macondo que BP faisait forer l’an dernier quand la plate-forme Deepwater Horizon a explosé, mais aussi d’un autre accident survenu en mars: la fuite d’un puits désaffecté que la compagnie Anglo-Suisse était censée sceller. Cela rappelle d’ailleurs que les épanchements de pétrole sont fréquents dans le golfe du Mexique. L’accident de l’an dernier n’avait d’exceptionnel que sa gravité et l’ampleur de la fuite. Par endroits, autour du Fort Livingston, le pétrole s’est mélangé au sable. L’apparence et la consistance est celle d’un gâteau au chocolat fait maison, mais l’odeur là encore est celle du pétrole. “Ce pétrole plus ancien est bien celui de BP, explique Jonathan Henderson. Et l’on ne voit guère ici les nettoyeurs de BP montrés dans les pubs à la télévision. L’endroit est abandonné, loin des regards, donc rien n’est fait”.

Il serait trompeur pourtant de ne montrer que ces endroits souillés par la marée noire. Comme le disait, fort mal à propos, l’ancien patron de BP Tony Hayward l’an dernier, le golfe du Mexique “est un très grand océan” et la quantité de pétrole déversée “minuscule” par rapport aux volumes d’eau ici brassés. En se baladant aujourd’hui en bateau au large de la Louisiane, on a toutes chances de ne rien voir de ces quelques côtes décimées.

Sur l’île de Queen Bess, où viennent nicher les pélicans bruns, on se croirait plutôt dans le film de Hitchcock, pris sous un essaim de volatiles qui semblent restés parfaitement maîtres des lieux.

A Venice, le point le plus près, à moins de 80 kilomètres de l’explosion de la plate-forme, les pêcheurs montrent fièrement aussi les magnifiques crabes bleus ou les spares têtes de mouton qu’ils ont continué de pêcher et consommer toute cette année, dans des eaux souvent très proches de l’accident.

Ci-dessous, Matt O’Brien, patron d’un des quatre docks de pêche de Venice, avec un spare tête de mouton, dans son camion frigorifique.

Pour finir, le capitaine Zach Mouton, qui nous a fait faire le tour des côtes souillées les plus proches de la Nouvelle-Orléans, nous emmène aussi voir un des nombreux petits villages de pêcheurs en train de s’écrouler dans le marécage.

Ici, la faute ne revient pas à BP, mais plutôt à l’endiguement du Mississippi qui limite les apports de sédiments, aux canaux creusés pour servir toute l’industrie pétrolière ou aux ouragans comme Katrina qui dévastent périodiquement la région. Tous ces facteurs contribuent à l’engloutissement des marais de Louisiane, qui se poursuit depuis plus d’un siècle et menace maintenant la ville même de la Nouvelle-Orléans. Sur le GPS de notre bateau, dont les cartes remontent à une trentaine d’années, partout sont signalés des terres qui, on a beau écarquiller les yeux, ne sont plus aujourd’hui que des fonds sous-marins, noyées sous les flots bleus. Selon toute vraisemblance, cette maison aussi achèvera bientôt son plongeon. Le phénomène est autrement plus grave encore que la marée noire de l’an dernier, soulignent pêcheurs et scientifiques de la région, mais c’est moins spectaculaire, et il n’y a pas là une riche compagnie pétrolière britannique à qui imputer le crime.

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