“This Death Will Encourage Centrifugal Tendencies within al-Qaida”

<--

Dans votre livre, “Les neuf vies d’Al-Qaida” [Fayard, 2009], vous dressiez un constat d’échec de l’organisation terroriste. Que peut-il rester d’Al-Qaida après la mort d’Oussama Ben Laden, qui en était à la fois le fondateur et son icône ?

Jean-Pierre Filiu : Oussama Ben Laden vient de trouver la mort au cours d’une opération de commandos américains sur ce même territoire pakistanais où il avait, en août 1988, fondé Al-Qaida, littéralement “la Base”, la première, et on peut l’espérer, la dernière organisation terroriste à vocation planétaire.

L’adhésion à Al-Qaida s’opérait sur la base d’une allégeance personnelle et absolue à Ben Laden. Aucun mécanisme de succession n’était prévu et l’équation personnelle du fondateur de l’organisation, en termes de prestige médiatique et de charisme militant, est unique. Son adjoint Ayman Al-Zawahiri, de nationalité égyptienne, n’a pas la capacité de s’imposer sur un mode comparable.

Selon vous, Al-Qaida n’a donc pas été préparée à gérer un après-Ben Laden. Quels défis va-t-elle devoir affronter désormais ?

Cette disparition va très vite encourager les tendances centrifuges au sein d’Al-Qaida, entre un “centre” de plus en plus pakistanisé et donc étranger aux réalités arabes, une branche irakienne désormais identifiée au sunnisme le plus agressif et une Al-Qaida pour la péninsule Arabique, très marquée par sa dimension yéménite et son ambition saoudienne, qui refusera sans aucun doute de s’aligner sur un dirigeant égyptien.

Que signifie cette disparition pour l’autre “filiale”, Al-Qaida pour le Maghreb islamique (AQMI) ?

Au sein d’AQMI, la mort de Ben Laden va accentuer les tensions entre “l’émir” et commandant de l’organisation, Abdelmalek Droukdal, qui avait prêté personnellement allégeance à Ben Laden, et un de ses subordonnés pour le Sahara, Abdelhamid Abou Zeid, qui détient toujours cinq otages occidentaux (dont quatre otages français enlevés à Arlit) et aurait des relations directes avec Al-Zawahiri.

La mort d’Oussama Ben Laden valide-t-elle la stratégie américaine contre Al-Qaida ?

Sous réserve des précisions qui ne vont pas manquer d’être fournies sur cette opération dans les prochaines heures, un parallèle s’impose avec la mort de [Abou Moussab] Al-Zarkaoui [chef d’Al-Qaida pour l’Irak] dans un bombardement américain, en juin 2006. La campagne menée par les drones de la CIA contre les refuges djihadistes dans les zones tribales du Pakistan a fini par payer, contraignant Ben Laden à fuir vers la banlieue d’Islamabad, où il était devenu aussi vulnérable que Al-Zarkaoui, cinq ans plus tôt, hors de la province d’Anbar.

C’est un triomphe pour Barack Obama, qui a, comme toujours, la victoire modeste. Sa stratégie de lutte ciblée contre Al-Qaida porte ses fruits, en rupture avec la désastreuse “guerre globale contre la terreur” de son prédécesseur, George Bush. L’Amérique peut enfin, au bout de près de dix ans de travail, de deuil inachevé, tourner la page du 11-Septembre.

About this publication