A Place in the Light

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Un monde meilleur vraiment sans Oussama Ben Laden, comme l’assure triomphalement Barack Obama, annonçant l’épilogue heureux d’une des traques politico-policières les plus acharnées et les plus longues de l’histoire ?

Oui, sans le moindre doute, mais non sans quelque espérance encore inassouvie. Le plus réconfortant, bien sûr, dans le raid de commandos qui a mis fin à la sulfureuse carrière du chef d’el-Qaëda, c’est le coup qui, même sur le tard, vient d’être porté à une insolente impunité qu’illustraient les épisodiques apparitions télévisées. C’est l’administration d’un juste châtiment préféreront dire les moralistes, à propos d’une guerre contre le terrorisme où la morale, pourtant, n’a plus de place d’un côté comme de l’autre de la barricade.

Bien que proprement décapitée (en son chef charismatique elle perd aussi sa principale source de financement), el-Qaëda n’est pas encore annihilée pour autant, et elle demeure tout à fait capable de nuire. Mais il y a quelque temps déjà que cette forme extrême de fondamentalisme musulman a perdu le pouvoir d’attraction qu’elle pouvait détenir dans un monde arabe passablement gagné par la frustration, le désespoir et la colère. Ce n’est pas contre les seuls États-Unis et Israël qu’el-Qaëda avait décrété une guerre très peu sainte en vérité, mais aussi contre les régimes arabes qualifiés d’impies ou de valets de l’impérialisme. Or on a trouvé mieux depuis : bien mieux, plus noble et surtout plus efficace que la terreur aveugle, que le meurtre en masse, crimes que ne saurait justifier nulle religion, et c’est la révolte pacifique et désarmée des peuples contre les dictatures qui les gouvernaient depuis des décennies.

La seule alternative valable à l’obscurantisme assassin d’el-Qaëda, c’est le lumineux rayonnement du printemps arabe ; or ce printemps est en voie de détruire aussi le mythe des dictatures alliées à l’Occident, ou courtisées alors par celui-ci, car seules à même de faire échec au terrorisme islamiste. C’est ce double constat qui s’impose aujourd’hui aux puissances occidentales que l’on voit en effet dispenser leurs faveurs de manière fort inégale aux soulèvements en cours. Engagement massif et même parfois abusif ici, troublante prudence là – une prudence frisant la passivité -, est-ce de la sorte que peut être instaurée une démocratie dont les traits essentiels restent uns et indivisibles sous toutes les latitudes ?

Peu digne de compassion est ainsi un Mouammar Kadhafi au passé terroriste des plus chargés. Il n’en reste pas moins que les frappes aériennes de l’OTAN sur la Libye n’ont été cautionnées par les Nations unies que dans le but explicite de protéger les populations civiles, et non d’éliminer physiquement le président libyen, dont un des fils et trois petits-enfants ont trouvé la mort sous les bombes. Mais quid alors des populations civiles canonnées, canardées, matraquées, assiégées, affamées et assoiffées ailleurs, tous tristes exploits que Washington croit sanctionner en ordonnant à grand fracas le gel de quelques biens en terre américaine ?



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