Le 2 mai 2011, au lendemain de l’exécution d’Oussama ben Laden au Pakistan, The National Security Archive publiait une compilation de documents secrets déclassifiés obtenus notamment par le biais du Freedom of Information Act.
Ces documents, qui étaient pour la plupart déjà connus du grand public et ne concernent pas la Belgique, permettent néanmoins de jeter un regard intéressant sur le personnage d’Oussama ben Laden à travers ce qu’en disaient les services secrets américains avant les attentats du 11 septembre 2001.
Par exemple, dès 1996, une courte notice biographique émanant de la CIA identifie Ben Laden comme « l’un des plus importants supports financiers du terrorisme islamiste dans le monde ». Comme le rappelle d’ailleurs le New York Times, c’est la CIA qui avait aidé Ben Laden à combattre les Soviétique après leur invasion de l’Afghanistan en 1979. L’article cite Ben Laden, pour qui « les armes [des combattants]étaient fournies par les Américains, l’argent par les Saoudiens. »
Un mémo diplomatique datant de 1997 décrit comment la diplomatie américaine négociait alors avec les Talibans. « Les États-Unis continuent de recevoir des rapports, indique le mémo, que Ben Laden, qui est lié à un certain nombre d’attaques terroristes, prévoit des attentats dans des pays comme l’Arabie Saoudite (…). Il serait utile que les Talibans puissent nous dire où Ben Laden réside et s’assurent qu’il ne puisse pas mener ces attaques. » Ce à quoi les responsables talibans auraient répondu, toujours selon le document, que « les Talibans n’autoriseraient personne à mener des activités terroristes sur leur territoire (…). Ben Laden est dans la région de Jalalabad, où il vit comme un invité, un réfugié (…). » Un peu plus loin, les responsables talibans assurent à la diplomatie américaine que Ben Laden leur avait promis de ne pas se livrer à des activités terroristes mais que « les Talibans sont devenus soupçonneux », parce que le leader d’Al Qaïda était parti vivre dans le complexe caverneux de Tora Bora.
Un autre mémo, datant de 1998, montre que l’administration américaine demandait aux Talibans d’expulser Oussama ben Laden. Plusieurs alternatives sont alors soulevées par les responsables talibans, parmi lesquelles la possibilité « d’arranger un assassinat » du leader d’Al Qaïda. Un mémo datant de juillet 2001 montrent que les Américains auraient demandé l’expulsion d’Oussama ben Laden par les Talibans à plus de trente reprises, sans succès. Pour ces derniers, Ben Laden n’était pas engagé dans et ne projetait pas des activités terroristes, et « s’en débarrasser ne réglerait pas les problèmes que pose le monde islamique aux États-Unis ».
Trois ans après la courte notice biographique de la CIA, les Sandia National Laboratories compilent un profil de Ben Laden qui compte près de 400 pages et montre l’importance qu’a pris celui-ci pour les États-Unis. En outre, le document conclut par exemple que « Ben Laden n’est pas une nouvelle menace : il est directement ou indirectement lié à de nombreux actes terroristes ces dernières années » ; « Les amis d’hier peuvent être les ennemis de demain. » ; ou encore « Le terrorisme peut être imprévisible : qui aurait prédit le phénomène Ben Laden ? »
Le 25 janvier 2001, moins de neuf mois avant les attentats du 11 septembre, le conseiller principal en contre-terrorisme du Conseil National de Sécurité américain, Richard Clarke, envoie un mémo à Condoleezza Rice demandant de revoir dans l’urgence la manière dont les États-Unis considèrent le réseau Al Qaïda et y répondent.
En aout 2001, un mémo destiné uniquement aux président américain est intitulé « Ben Laden déterminé à frapper les États-Unis ». Dans celui-ci, les informations dont disposent le FBI indiquent que des attaques se préparaient, notamment sous la forme de détournement d’avions. Plus tard, après les attentats du 11 septembre, Condoleezza Rice dira que ce mémo n’avait rien d’un avertissement. « Ça ne disait rien d’une attaque sur l’Amérique », selon elle. « Ça parlait d’intentions, d’une personne qui haïssait l’Amérique, et nous étions déjà au courant de ça. »
Après les attentats du 11 septembre, l’administration américaine se raffermit,notamment dans ses relations avec le Pakistan, dont l’assistance est requise pour permettre aux États-Unis de « détruire Oussama ben Laden ». Malgré cela, un document du Département d’État (l’équivalent de notre Ministère des Affaires Étrangères) confirme au Vice-Président que « certains chefs talibans opèrent avec une impunité relative dans certaines villes pakistanaises ».
C’est au Pakistan que sera découvert et exécuté, le 1er mai 2011, Oussama ben Laden. L’opération, lancée par le président américain Barack Obama, a été menée unilatéralement, sans la coopération ni la connaissance des pakistanais.
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