Bin Laden, Obama and Israel

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Ben Laden, Obama et Israël

Seule bonne question jamais évoquée par le terroriste abattu : sans État palestinien, le monde ne peut pas connaître la paix.

Rendu public par al-Qaida le dimanche 8 mai, le message posthume que Ben Laden a adressé à Barack Obama, et à travers lui aux Américains, apparaîtra sans doute, après la mort de son auteur, comme une banalité à connotation fortement démagogique. Pourtant, gommé de ses outrances habituelles, ce propos devrait pour une fois nous inspirer réflexion. Car, au risque de choquer certains, compte tenu de la personnalité détestable de son auteur, je crois que l’on peut dire qu’il ne faut négliger ni le contenu du message, bien qu’il soit banal et déjà entendu ailleurs, ni les répercussions qu’il peut avoir sur les peuples du Proche et du Moyen-Orient.

Que dit Ben Laden dans cette ultime adresse à ceux à qui il vouait une haine infinie, à qui il a fait subir, le 11 septembre 2001, la plus dramatique des humiliations et qui ont fini par le retrouver et l’exécuter après presque dix ans de traque : d’abord qu’il n’y aura pas de sécurité aux États-Unis tant qu’il n’y aura pas de sécurité en Palestine. Et il précise à l’égard d’Obama et de ses concitoyens : “Il est injuste que vous viviez en paix alors que nos frères de Gaza vivent dans la détresse.” Autrement dit, les Américains – et avec eux tous les autres Occidentaux – ne pourront pas vivre sereinement tant que les Palestiniens n’auront pas un État aux frontières reconnues, condition indispensable d’une vie apaisée.

Cent dix États vont reconnaître l’État palestinien

Ce message du plus haïssable des terroristes peut être contesté. Il ne peut être négligé au lendemain de sa mort, parce qu’il est celui au nom duquel ont eu lieu toutes les révoltes arabes, tous les actes terroristes, toutes les menaces brandies régulièrement de destruction de l’État d’Israël. Ce message, il est celui, avec des formes certes différentes mais une conclusion identique, qu’aujourd’hui 110 États représentés à l’ONU ont décidé de défendre à la session de septembre de l’organisation internationale. Il est celui que beaucoup de pays européens, dont la France et la Grande-Bretagne, sont tentés de faire avancer lors de cette même assemblée générale de l’ONU, en reconnaissant officiellement un État palestinien. Cet aboutissement, c’est enfin, très paradoxalement, celui qu’acceptent maintenant, selon de récents sondages, 80 % des Israéliens interrogés.

Alors, pourquoi la communauté internationale ne parvient-elle pas à imposer ce qui semble à ce point acquis ? Pourquoi le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, vient-il de faire le tour des capitales européennes pour plaider vigoureusement contre l’idée de Paris ou de Londres en faveur de la reconnaissance ?

Les États-Unis aux abonnés absents

La principale, c’est la crainte du lendemain, expliquent de bons connaisseurs de l’actualité israélienne. Car ce n’est plus le concept d’un État palestinien voisin du leur qui panique le peuple et les dirigeants israéliens, ce sont ses conséquences immédiates et à long terme. Un seul exemple : la naissance d’un État palestinien ne pourra se faire qu’avec plus ou moins un retour aux frontières d’avant la guerre des Six Jours de 1967. Un tel redécoupage implique au bas mot le transfert et la réinstallation de 100 000 Israéliens. Pas des colons devant lâcher des implantations sauvages et en principe hors la loi, comme celles que la communauté internationale condamne vigoureusement depuis plusieurs années. Non, il s’agit bien d’Israéliens installés depuis presque cinquante ans sur des territoires considérés comme partie intégrante de l’État d’Israël.

Ehud Barak a dit un jour qu’Israël était “comme une villa au milieu de la jungle”. Ce complexe d’encerclement ne peut disparaître que grâce à une paix obtenue non pas à la satisfaction, mais au consentement, même un peu forcé, des Palestiniens comme des Israéliens. Pour forcer la main aux uns et aux autres, les Européens, quelle que soit leur bonne volonté, ne suffiront pas. Il faut pour cela tout le poids de l’Amérique. Or, depuis l’élection d’Obama, l’Amérique est aux abonnés absents sur le dossier israélo-palestinien. C’est pour cela que le message posthume de Ben Laden est pour la première fois moins inutile qu’il n’y paraît.

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