American-Style Buffet

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À Moyen-Orient nouveau, Amérique tout aussi nouvelle ? On croirait sans la moindre hésitation Barack Obama si seulement toutes ses bonnes dispositions se doublaient d’un peu plus de détermination et de rigueur face à son insatiable allié israélien.

Ce n’est pas la première fois que l’actuel président des États-Unis pratique une spectaculaire ouverture en direction du monde arabo-musulman. Si son discours de jeudi, prononcé devant les diplomates étrangers accrédités aux États-Unis, revêt néanmoins une portée exceptionnelle, c’est qu’il survient dans la foulée de ces deux développements majeurs que furent le printemps arabe et la liquidation physique d’un Ben Laden dont le message de violence se trouvait dépassé déjà d’ailleurs par le premier de ces évènements.

Ce qui vient de changer à Washington, c’est la main tendue non plus à ces entités impersonnelles que sont les États et même les peuples de la région, mais, d’une manière on ne peut plus explicite, aux forces de l’évolution et du progrès affrontant courageusement la répression des régimes totalitaires. C’est aux côtés des révolutions que se place clairement désormais un colosse américain qui a longtemps voué pourtant une voyante amitié, ou bien alors une coupable complaisance, à certaines des plus redoutables dictatures de la région. Reste à espérer que ce soutien à géométrie variable apporté à ce jour aux révolutions arabes est appelé à ne plus varier à l’avenir que dans le bon sens…

Exit l’Égyptien Moubarak et le Tunisien Ben Ali, le sort de Kadhafi pratiquement scellé et la liste n’est sans doute pas close : l’avertissement d’Obama n’épargne guère des alliés, tels le président du Yémen ou encore le roi de Bahreïn, invités avec insistance à jeter du lest avant qu’il soit trop tard. C’est une place singulière qu’occupe, dans cette peu engageante galerie de portraits, le président de Syrie. Bachar el-Assad n’est pas exactement un ami des États-Unis. En revanche, et pas davantage que son père et prédécesseur, il ne passait aux yeux des Américains, et aussi des Israéliens, comme un ennemi totalement irrécupérable : d’où la relative patience observée ces dernières semaines face à la féroce répression à laquelle se livre le raïs dans son pays et que pouvait seule expliquer la phobie d’une relève islamiste si venait à s’effondrer le régime baassiste. Or c’est cette persistante ambiguïté que vient lever en bonne partie le choix véritablement cornélien auquel vient de l’acculer Barack Obama : conduire lui-même un nécessaire et inévitable processus de transition, formule allant considérablement plus loin que le simple programme de réformes exigé hier encore ; ou bien alors envisager un probable départ forcé.

Pour ce qui est du conflit arabo-israélien, c’est un étrange cheesecake à la sauce aigre-douce que propose aux protagonistes le président des États-Unis. Pour la première fois, celui-ci se prononce aussi nettement en faveur de la cohabitation de deux États en Palestine, même si, en proclamant la judaïté d’Israël, il exclut tout retour à leurs foyers des réfugiés palestiniens. Obama préconise comme repère de base les lignes de 1967, ce qui est aussi une grande première, mais il laisse la porte ouverte à un échange de territoires, ce qui laisse croire qu’il cautionne un engagement écrit de George W. Bush quant à la possibilité pour Israël de conserver le gros des colonies établies en Cisjordanie : perspective d’autant plus fâcheuse que dans son discours historique de 2009 au Caire, le président US avait précisément fait du gel de la colonisation juive une des conditions essentielles d’un règlement de paix.

En guise de cinglante bienvenue au vice-président Joe Biden, Israël annonçait à cette époque un nouveau et vaste programme de colonisation. Et le président n’avait pas fini de parler jeudi qu’était autorisée la construction de plus de 1 500 constructions dans le secteur arabe occupé de Jérusalem : affront survenant à quelques heures seulement de l’entretien apparemment orageux qu’a eu hier à la Maison-Blanche un Benjamin Netanyahu jamais assez content ; affront réédité au terme de cette rencontre lorsque, sous les caméras, le Premier ministre israélien a catégoriquement rejeté à la face de son hôte l’idée même d’un retour aux lignes de 1967.

C’est surtout avec son protégé israélien qu’il y a problème, une fois de plus, pour le faiseur de paix américain : triste évidence qui, elle, n’a strictement rien de nouveau.

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