An Issue of Image: France in Handcuffs

 .
Posted on June 7, 2011.

<--

L’image est forte. Trop forte? Pour la majorité des Français, quelques heures après sa diffusion dans les grands médias d’Amérique, puis sur Internet, la photographie de Dominique Strauss-Kahn arrêté et menotté, tel un malfrat, entre deux policiers, se révélera d’une violence inouïe, quand on connaît la place que les puissants et les politiciens de haut rang occupent dans l’inconscient individuel et collectif des Français.

Une image «plus violente», s’indigneront certains, que l’agression présumée dont une femme de chambre de l’hôtel Sofitel de Manhattan aurait été victime. Il y a en effet de quoi se poser de sérieuses questions sur la façon dont les choses sont perçues et hiérarchisées au pays des droits de l’homme. Et plus spécifiquement sur les moeurs et valeurs de la classe politico-médiatique.

En menottant DSK, la police new-yorkaise n’a pas simplement bâté un «agresseur prétendu». C’est toute la nation «libre» de France qui a été réduite à la contention forcée.

Une posture absolument impensable pour une grande majorité de Français, libres penseurs par essence, libertaires et beaumarchistes par obédience. D’où le choc, d’où le déni.

La présomption d’innocence et le droit à la vie privée, si chers aux politiciens français, ne peuvent à eux seuls suffire à justifier le silence, le doute extrême et la langue de bois des médias et des milieux politiques de l’Hexagone.

D’un côté, on s’élève pour accuser la justice américaine de traiter DSK comme un vulgaire accusé de droit commun, sans faire cas de son statut et de ce qu’il représente, et, de l’autre, on prétexte dans les milieux concernés que cette affaire ne relève pas de la politique, mais de la vie privée, donc exige de se «montrer digne et discret». Plus français, tu meurs.

Faut-il s’en offusquer? Faut-il juger? Faut-il intervenir?

Bien entendu. Car toute cette affaire et le choc subi par les Français cachent une vérité que bien peu encore envisagent. Une vérité qui répugne et dont la France ne veut pas. 57 % des gens interrogés dans un sondage ne croient pas à la culpabilité de DSK et surtout imaginent un odieux et hypothétique complot (international et français) destiné à déstabiliser, d’abord le patron du FMI et du même coup le futur gagnant de l’élection présidentielle de 2012. Un scénario hollywoodien idéal pour garder la tête dans les nuages — pour ne pas dire, dans le sable — et oublier la réalité.

Et c’est précisément cela qui, aux yeux de certains, «justifie» le peu de considération apparente faite à la «victime». Cela dérange ici et déclenche l’ire de bien des commentateurs et éditorialistes étrangers, la plus manifeste sera celle de Denise Bombardier, tant dans ce journal qu’à la radio de France Inter.

Déjà, les avocats de Dominique Strauss-Kahn fourbissent leurs armes et promettent de décrédibiliser totalement la «victime présumée». Nul ne doute qu’ils y parviendront. Et que cela permettra à DSK et à une partie de la France de se dédouaner d’une «sale affaire».

Le commentaire d’un internaute, parmi des milliers, m’interpelle: «En attendant, je pense que les médias pourraient passer à autre chose, car tout cela n’est pas très joli-joli.»

Passer à autre chose, c’est précisément ce qu’a fait la majorité de la classe politique française, de gauche comme de droite, sans même une tentative de pensée compatissante envers la «prétendue victime», dans le cas où cette dernière ne serait pas aussi prétendue que cela.

La présomption d’innocence n’autorise pas, me semble-t-il, l’affirmation d’indifférence.

Fidèle à son image de gauchiste caviar, dans une prison dorée à 50 000 $ par mois (la gauche de Strauss-Kahn n’a plus rien à voir avec celle de Mendès France), DSK espère maintenant un verdict d’innocence. Accusé d’agression sexuelle et de tentative de viol, il fait face désormais à une justice sans complaisance: la justice américaine. Il risque très gros.

Mais il jouit d’un appui incroyablement important pour son image en France, le silence ou la tiédeur des réactions de la classe politico-médiatique et d’une partie de la population française qui, dans son ensemble, lui accorde déjà le bénéfice du doute, devant un «possible écart de conduite».

Après tout, a déclaré Jack Lang, ancien ministre de la Culture sous François Mitterrand: «Il n’y a pas eu mort d’homme!» On croit rêver.

À Paris, on croise les doigts. On attend le verdict. Mais, même condamné, DSK ne le sera pas unanimement. Le doute persistera et l’on jettera l’opprobre sur la justice américaine.

Ainsi, comme le souhaite l’internaute, on pourra passer à autre chose.

La France menottée pourra alors retrouver sa superbe de France bâillonnée.

About this publication