Amina ou l’inconscience du blogueur
Quelle mouche a donc piqué Tom Mac Master, un Américain de 40 ans qui s’est fait passer pour une jeune blogueuse syrienne ? Victime du succès de son blog, le désormais célèbre Tom a dû, sous la pression médiatique, révéler son identité. Non, la Gay Girl de Damas (du nom de son blog A gay girl in Damascus) n’est pas une jeune femme lesbienne récemment enlevée par les forces de l’ordre syriennes.
Il s’agit d’une mauvaise blague. Peut être bien intentionnée – Tom Mac Master s’est défendu en disant que le contenu de son blog reposait sur des faits authentiques survenus en Syrie – mais dont les conséquences auraient pu et peuvent encore être catastrophiques.
D’abord parce que plusieurs militants démocrates syriens ont pris des risques en posant des questions sur la mystérieuse Amina Abdallah. Et poser ce genre de question actuellement dans une Syrie en proie à une répression brutale est extrêmement dangereux. Des blogueurs ont même cherché à la localiser après son soi-disant kidnapping, au risque de se retrouver eux-mêmes kidnappés.
Mais aussi parce que cette affaire est désormais utilisée par le gouvernement syrien pour décrédibiliser toute la blogosphère syrienne. Le régime de Bachar el-Assad s’est lancé dans une guerre électronique avec ses opposants. Par tous les moyens – censure du réseau, arrestations de blogueurs, recrutement d’internautes, etc. – les autorités de Damas cherchent à expurger le Web syrien des contenus les plus critiques et à les remplacer par des propos beaucoup plus favorables.
Cette affaire doit les réjouir au plus haut point. A se demander même si le régime de Damas n’a pas laissé enfler l’affaire pour mieux l’instrumentaliser aujourd’hui. Il est à parier que désormais, chaque fois qu’une question sera posée à un dignitaire syrien sur les mouvements démocrates, il répondra de la même manière : “Quels militants démocrates ? Vous voulez parler de ce blogueur américain qui a manipulé la planète entière ? Les Syriens sont contents. Tout ça, c’est une invention des médias occidentaux”.
Après cette malheureuse affaire, il faut, plus que jamais, soutenir les défenseurs des libertés en Syrie. Il ne faut pas tomber dans le jeu du régime et céder aux sirènes d’un Internet plein de rumeurs et de fausses informations. En Syrie comme dans de nombreux pays, l’anonymat est une garantie de sécurité. Au Viêt-nam, en Birmanie, en Iran, des blogueurs décident de s’exprimer en ligne sous une fausse identité, conscients des dangers réels d’une transparence sur la Toile. A ce jour, 125 net-citoyens sont emprisonnés dans le monde pour leurs activités d’information en ligne. Et ils ne s’appellent pas Tom Mac Master.
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