Delirium and Powerlessness

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Le lendemain de la décote sans précédent de la dette américaine, à laquelle l’agence d’évaluation financière Standard and Poor’s avait retiré vendredi soir sa note AAA, le gouverneur républicain du Texas, Rick Perry, rassemblait 30 000 personnes dans un stade pour une journée de prière. Devant une foule souvent agenouillée, parfois en pleurs, Bible à la main, évoquant de façon échevelée la crise des marchés économiques et la discorde au Congrès, il a proclamé que Dieu était désormais le seul espoir des États-Unis.

C’était une scène surréaliste – l’intersection du délire et de l’impuissance -, mais oh combien prévisible dans un pays où le timonier n’a plus le pouvoir de contrôler un navire à la totale dérive.

La gestion du déficit et de la dette des États-Unis a donné lieu à un cirque disgracieux, mené par les ténors irresponsables du « Tea Party », la frange d’extrême-droite du Parti républicain. Allergiques aux taxes, surtout celles qui obligeraient les riches à payer leur juste part, ils ont tout fait pour paralyser les efforts de la Maison-Blanche et réduire au silence les voix modérées qui peinent aujourd’hui à se faire entendre.

Le rassemblement de prière au Texas constitue un réflexe naturel, un appel à l’aide de l’au-delà quand on a le sentiment d’avoir perdu la capacité de régler les grands problèmes qui accablent la société. Depuis l’éclatement de la bulle immobilière il y a une dizaine d’années, une peur lancinante s’est incrustée et va croissante avec chaque soubresaut boursier. Des millions de personnes ont perdu leurs économies, ont vu la valeur de leurs maisons anéanties, pendant que des financiers cupides remplissaient leurs poches. Or, le système qui a permis ces abus perdure.

Le gouvernement américain est intervenu pour sauver les meubles, injectant dans l’économie des centaines de milliards de dollars qu’il n’avait pas et qu’il a donc dû emprunter, alourdissant le fardeau d’une dette déjà exacerbée par le coût des aventures guerrières de l’administration Bush en Irak. Le public n’est pas dupe à cet égard : un sondage, la semaine dernière, démontrait que 44 % des Américains tiennent George W. Bush responsable du gâchis économique actuel. Seuls 15 % blâment Barack Obama.

Mais personne n’entrevoit de possibilité de solution à court terme.

Le pessimisme endémique d’une partie de la population, conjugué aux sparages incessants de politiciens plus intéressés par l’issue des présidentielles de 2012 que par le colmatage efficace de brèches immédiates et les solutions à long terme, crée une atmosphère volatile. L’absence d’espoir d’un avenir meilleur et la peur d’un pire imminent créent des conditions favorables à la panique. Des courtiers rapportaient en fin de semaine que des riches clients leur avaient ordonné de tout vendre leur portefeuille d’actions. Du jamais vu !

Devant un marché immobilier qui rechute, devant la perspective d’une nouvelle récession, devant la menace de taux d’intérêts à la hausse après la décote de Standard and Poor’s, devant le risque d’implosion européenne et des ondes de choc mondiales que cela provoquerait, la cacophonie provenant de nos voisins du Sud ne fait que s’amplifier. Le président Obama est dans un cul-de-sac et il le sait. La voix de la raison ne réussit plus à s’imposer face aux cris intransigeants du nouvel extrémisme républicain.

Que reste-t-il ? Le Très-Haut ? « Nous assistons à de profonds désaccords au pays, à des peurs sur les marchés, à la colère dans les couloirs du gouvernement. En tant que nation nous avons oublié qui nous a fait, qui nous protège et qui nous bénit. Pour toutes ces raisons, nous implorons votre pardon… Vous êtes notre seul espoir », lançait samedi à son ralliement le gouverneur Perry, qui aspirerait lui aussi à la Maison-Blanche.

Dieu, dans son infinie sagesse, a sans doute déjà bouché ses oreilles…

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