Steve Jobs, un Picasso 2.0
En congé maladie depuis janvier, le fondateur de la firme à la pomme cède les rênes du groupe qu’il a fondé en 1976 à son adjoint. Apple doit désormais faire sans son patron emblématique.
Steve Jobs a annoncé qu’il quittait la direction d’Apple. Dans les minutes qui ont suivi l’annonce, la valeur d’Apple en Bourse perdait plus de quinze milliards de dollars. Ce n’est guère étonnant. Car dans le monde des entreprises, le fabricant de l’iPhone et de l’iPad est aujourd’hui le succès du moment et même LE modèle absolu.
L’entreprise est la plus chère au monde avec le pétrolier Exxon. Alors que son chiffre d’affaire était déjà l’an dernier de 65 milliards de dollars, il devrait progresser cette année de 60%. C’est un géant qui grandit aussi vite qu’un bébé. Il n’y a tout simplement aucun précédent dans l’histoire économique. Et ce succès phénoménal reposait sur un seul homme : Steve Jobs.
En mai dernier, le magazine américain “Fortune” a publié une enquête très fouillée sur Apple, ils ont interrogé des dizaines d’anciens et ils ont dessiné l’organigramme de l’entreprise, sa hiérarchie. Normalement, ça ressemble à un espèce de râteau avec un chef, des sous-chefs, des sous-sous chefs. Eh bien là c’est une marguerite avec au cœur… Steve Jobs.
Le secret de Jobs est simple à énoncer : c’est un entrepreneur, non un gestionnaire. La différence ? Un bon PDG classique, c’est Rembrandt ou Renoir. Un entrepreneur, c’est Léonard de Vinci ou Picasso. C’est un inventeur, quelqu’un qui non seulement pilote une collectivité humaine, motive les hommes mais surtout quelqu’un qui a une vision, qui la fait partager, qui nous fait voir le monde autrement.
En 1983, quand Jobs a recruté John Sculley, un dirigeant de Pepsi qui s’est révélé être un agent très spécial puisqu’il l’a viré deux ans plus tard, il a su le convaincre avec une phrase restée célèbre : « Préférez-vous vendre de l’eau sucrée jusqu’à la fin de vos jours ou venir avec moi changer le monde ? ». Jobs voulait changer le monde. Et il l’a fait.
La preuve en trois exemples très différents.
Dans les années 1980, Jobs a demandé à ses troupes de dessiner un bel ordinateur. Ses ingénieurs sont tombées de la lune. Pour eux, c’était comme si on leur avait demandé de faire un ordinateur sucré, ou sexy, ou malgache. N’importe quoi. Aujourd’hui, le design est un argument commercial majeur dans l’informatique.
Deuxième exemple : avant l’iPod, tout le monde était persuadé que l’industrie musicale était condamnée à mourir, tuée par la gratuité et le piratage sur Internet. Avec l’iPod et la possibilité d’acheter pas cher de la musique en ligne, les jeunes ont recommencé à payer. Jobs a réinventé le modèle économique de la musique.
Troisième exemple, plus business : depuis vingt ans, les experts de tout poil et les investisseurs expliquent aux dirigeants d’entreprise qu’il faut se spécialiser. Carrefour doit se séparer de son immobilier parce que son métier c’est de vendre de la soupe et des yaourts. Accor a éclaté son groupe en deux avec d’un côté les hôtels et de l’autre les tickets restaurants. Apple fait exactement l’inverse.
L’entreprise faisait seulement des ordinateurs. Aujourd’hui elle vend aussi des téléphones, de la musique, elle prend une commission sur les logiciels qui sont vendus sur ses iPhones et elle ouvre des boutiques au moment du boom des ventes en ligne. Et en plus cela crée des nouveaux marchés, de la valeur, du travail. C’est un magnifique pied-de-nez. Jobs, en français, ça veut dire emplois – emplois au pluriel.
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