Unemployment: The Lesson to Be Learned from Obama's Plan

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Chômage : la leçon du plan Obama

LE MONDE ECONOMIE | 19.09.11 | 15h34

En 2010, le Prix de la Banque de Suède en la mémoire d’Alfred Nobel récompensait les pères des “théories de l’appariement” sur le marché du travail.

Selon cette approche, le chômage résulte principalement de difficultés pour assurer la rencontre entre un employeur et un demandeur d’emploi. Le comité Nobel notait ainsi que “plus les allocations chômage sont importantes, plus le taux de chômage est élevé et la durée de recherche est longue”.

Ces théories ont connu un large développement, car elles offraient une alternative à la vision marxienne du chômage comme “armée de réserve” du capitalisme, ou à la vision keynésienne d’un déséquilibre dû à une offre d’emplois insuffisante, et permettaient d’en déduire des prescriptions politiques.

Celles-ci ont été particulièrement suivies en France, à travers une bonne partie des politiques de l’emploi qui y ont été déployées ces dernières années. Les propos, début septembre, du ministre du travail, Xavier Bertrand – “le vrai problème, c’est que notre système d’indemnisation n’encourage pas forcément le retour à l’emploi” -, en sont l’illustration.

Or, le “Nobel” 2010 a été paradoxalement décerné au moment où les faits ébranlaient cette théorie. Car si le chômage résultait principalement des mécaniques d’appariement, alors au pays du marché du travail le plus “flexible”, les États-Unis, il n’aurait pas dû connaître une envolée durable.

Une solution a été proposée pour réconcilier la théorie dominante et les faits : la crise des subprimes bloque le marché immobilier et empêche les travailleurs de vendre et d’acheter leur logement ; la moindre mobilité du travail détériore l’appariement.

HYPOTHÈSE INVALIDÉE

Mais, un an après, cette dernière hypothèse se retrouve invalidée : des travaux récents d’économistes – par exemple Locked in the House : Do Underwater Mortgages Reduce Labor Market Mobility ?, de Colleen Donovan (Freddie Mac) et Calvin Schnure (National Association of Real Estate Investment Trusts) d’août 2011 -, montrent que la crise immobilière américaine n’affecte pas négativement la mobilité d’un bassin d’emploi à un autre.

Parallèlement, d’autres travaux montrent que ce sont les pertes d’emplois causées directement par l’éclatement de la bulle immobilière qui ont affecté de manière durable l’économie américaine. La chute de l’immobilier touche la construction, mais également une pléthore de services – décorateurs, agents immobiliers… – ou d’industries non délocalisées – fenêtres, cuisines sur mesure…

Et malgré la flexibilité, il n’y a pas de réallocation des emplois vers d’autres secteurs. L’absence de chômage avant la crise résultait donc de l’existence d’un marché immobilier reposant sur une bulle, et non d’un fonctionnement idéal du marché du travail.

D’où le retour à un diagnostic simple : l’économie américaine manque, tout simplement, de “jobs”.

Le plan Obama annoncé le 8 septembre, qui peut paraître baroque après les tergiversations de cet été sur le plafond la dette, tend à donner une réponse tout aussi simple : création directe d’emplois d’enseignants, de pompiers ou de policiers, partage du temps de travail, rénovation des écoles, construction d’infrastructures et augmentation du pouvoir d’achat.

Sur ce dernier point, le choix de M. Obama est similaire à celui du président Reagan trente ans auparavant : une baisse majeure des prélèvements obligatoires, mais cette fois sur le travail.

1000 EUROS DE PLUS

Autant des petits gains de pouvoir d’achat risquent de se traduire par de la consommation de biens importés à bas coût, autant des gros gains laissent espérer une consommation de services et de produits américains, de la rénovation de la salle de bains aux soins dentaires.

En 2012, une famille moyenne de deux salariés touchera ainsi 1 000 euros de plus, si le plan survit au Congrès.

Quelles leçons l’Europe peut-elle tirer du plan Obama ?

Dans un pays comme l’Espagne, qui a aussi subi l’éclatement d’une bulle immobilière et la montée du chômage, la voie, dictée par les marchés, d’un resserrement de la dépense publique et de réformes “assouplissant” le marché du travail pourrait être sans issue.

Et dans un pays comme la France, qui n’a jamais su sortir du chômage de masse, une préconisation simple – utiliser l’argent public pour créer de l’activité, plutôt que ressasser le lancinant discours sur les énièmes “nécessaires réformes structurelles” – n’est peut-être pas si ringarde.

Philippe Askenazy, directeur de recherche au CNRS, École d’économie de Paris

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