Why Obama Did Not Defend Troy Davis

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FRAGILISÉ, le président américain a pris garde de ne pas s’aventurer sur le terrain « touchy » de la peine de mort. Entretien avec Katya Long (ULB).

ENTRETIEN

Katya Long

Membre du Centre d’étude de la vie politique (Cevipol) de l’ULB. Elle y enseigne « Le système politique aux Etats-Unis ».

Alors que la défense de l’Américain Troy Davis, devenu un symbole du combat contre la peine capitale, présentait mercredi un ultime recours contre son exécution, prévue dans la nuit, en Géorgie, le condamné à mort recevait de nombreux soutiens de par le monde : de l’ex-président américain Jimmy Carter au pape Benoît XVI, en passant par les gouvernements français et allemand. Barack Obama en revanche prit grand soin de ne pas intervenir dans le débat, ce qui a pu surprendre vu d’Europe…

Comment expliquer le silence du président Obama ?

La première raison, c’est une raison de compétence. Les États-Unis sont un État fédéral. La peine de mort existe au niveau fédéral mais aussi au niveau de certains États. Ainsi, Troy Davis n’a pas été condamné par une juridiction fédérale mais par l’État de Géorgie. Le président des États-Unis n’a donc pas de légitimité institutionnelle en la matière.

Le deuxième élément, c’est un élément politique. De manière générale, il est très difficile pour un président d’intervenir dans ce qui est du ressort des affaires intérieures d’un État, et plus encore en ce moment, où des tensions très fortes existent avec les républicains, qui exploitent cette question des droits et des compétences des États contre le pouvoir central de Washington.

Le troisième élément, c’est la position délicate dans laquelle se trouve Obama, tant en politique intérieure qu’internationale. Sur le plan externe, c’est la semaine où les Palestiniens vont faire leur demande pour devenir membre à part entière de l’ONU. Au plan interne, on est toujours dans la discussion sur la réduction de la dette et sur l’augmentation des impôts, mais c’est également le démarrage de la campagne électorale républicaine. Pour vous donner un élément d’ordre « culturel », lors d’un récent débat entre candidats républicains, en présentant Rick Perry, le favori de ces primaires, l’interviewer a signalé que depuis qu’il est gouverneur du Texas, 234 personnes ont été exécutées dans cet État… et le public a applaudi à tout rompre ! Et s’il s’agissait d’une audience républicaine, ce n’était pas non plus un débat organisé par le Tea Party… Le fait que Troy Davis soit noir est également un élément qui peut être embarrassant pour le premier président noir des États-Unis.

Enfin, fondamentalement, en ce moment, Obama n’a pas le « capital politique » nécessaire. Son taux de popularité est faible et il ne peut pas se permettre de dilapider ce maigre capital sur une question comme celle-là.

Sur le plan des principes, Obama n’est pas opposé à la peine capitale…

Non, il n’a pas d’opposition de principe à la peine de mort. En fait, sur les questions culturelles ou sociétales, Obama est très « middle of the road », comme on dit en anglais. Il est pour le droit à l’avortement mais de façon limitée, il est contre le mariage homosexuel, il est favorable au port d’arme de manière limitée, etc. Sur toutes ces questions, ce n’est certainement pas un militant : il est très centriste.

On ne peut donc pas dire que, sur une question comme la peine de mort, il existe une ligne de fracture nette entre démocrates et républicains ?

Non. De manière générale, la ligne de fracture entre démocrates et républicains n’est jamais simple. En raison de leur structure et de leur évolution historique, il s’agit de partis qui sont idéologiquement faibles. Cela dit, avec des exceptions, les démocrates ont tendance à être moins favorables à la peine capitale que les républicains. Mais en dépit du drame de Troy Davis, il faut noter que la peine de mort est en recul aux États-Unis : de nombreux États ont instauré un moratoire ou ont décidé de l’abroger purement et simplement de leur arsenal législatif. (1)

(1) NDLR : en 2011, la peine de mort est toujours appliquée au niveau fédéral et dans 34 États sur 50.

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