Obama Faces Occupy Wall Street

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Les manifestations des « indignés de Wall Street » commencent à embarrasser l’administration Obama. Non seulement parce qu’une éviction trop musclée des manifestants risquerait d’entacher la prétention des Etats-Unis de saluer partout dans le monde les protestations non-violentes et démocratiques, mais aussi parce que cette soudaine médiatisation confirme l’ampleur du malaise économique américain et la désaffection d’une partie croissante de l’opinion à l’égard du Président.

Certes, la gauche américaine, issue de milieux altermondialistes voire « anarchisants », qui anime Occupy Wall Street, n’a pas beaucoup de poids politique. Toutefois, à une année des élections présidentielles de novembre 2012, le Parti démocrate compte tous ses électeurs. Et parmi ces centaines d’indignés et ceux, plus nombreux qui les cautionnent, la plupart ont sans doute voté en 2008 pour Barack Obama.

Plus dangereusement pour le Parti démocrate, cette opposition bigarrée aux « ploutocrates de Wall Street » renforce l’impression que le Président n’a pas réussi à sortir le pays de la crise ni à faire payer le prix de celle-ci à ceux qui font figure de premiers responsables, les milieux bancaires et financiers.

Dès lors, dans une certaine mesure, cette protestation de gauche s’ajoute aux mobilisations de droite, bien plus impressionnantes, organisées à l’initiative du Tea Party, le « faiseur de rois » au sein du Parti républicain. Ensemble, ces deux mouvements dessinent l’image d’une Administration démocrate « élitiste », éloignée du « pays réel » et trop proche de la haute finance. Tous deux brandissent le drapeau de Main Street – l’Amérique d’en bas – contre Wall Street.

Cette protestation de gauche pourrait-elle récupérer le ressentiment des meurtris de la crise qui sont à l’écoute des discours populistes du Tea Party ? Pourrat-elle amener le Président, ancré au centre du Parti démocrate, à retrouver les accents progressistes d’un Franklin Roosevelt, qui, dans les années 30, avait réussi à écarter les Américains des extrémismes en imposant le New Deal, une vaste entreprise publique de remise au travail et de solidarité sociale?

Même des analystes qui furent proches de Barack Obama sont sceptiques. A l’image d’Eric Alterman, auteur au débit de cette année d’un livre The Kabuki Presidency, qui imputait en partie à la puissance du système les difficultés d’Obama. Sa dernière chronique dénote une profonde désaffection : « Obama serait-il un politicien qui, confronté à une opposition récalcitrante, préfère s’esquiver plutôt que se battre ? ».

Cette « occupation de Wall Street » intervient au moment où Ron Suskind, un journaliste très respecté, ancien du Wall Street Journal, publie un livre – Confidence Men – qui révèle les liens étroits entre Barack Obama et Wall Street. L’auteur y décrit les concessions de la Maison Blanche face à ceux qui, au sein de l’opinion, apparaissent non seulement comme les responsables de la crise mais aussi comme ses indécents bénéficiaires.

Les manifestants, ces « hippies et ces hipsters », comme les appellent Charles M. Blow, dans le New York Times, reflètent une lassitude générale à l’égard du pouvoir et donc de la présidence démocrate. Selon un sondage de l’institut Gallup, 81% des Américains se disent mécontents de la manière dont le pays est géré. La méfiance à l’encontre du Congrès et des institutions atteint des niveaux historiques.

Cette hostilité est de mauvais augure pour le Parti démocrate et surtout pour la frange « libérale », c’est-à-dire, dans le jargon américain, pour ceux qui défendent une politique sociale plus audacieuse et une régulation plus ferme du système financier.

Une majorité de l’opinion apparaît sceptique voire hostile à l’égard de solutions prônant une politique de relance orchestrée par les pouvoirs publics ou une redistribution plus équitable des richesses. L’opinion semble davantage attirée par la philosophie « libertarienne », qui fait de l’Etat la source de tous les maux, que par une approche « libérale » », qui compte sur un Etat actif pour faire respecter les grands équilibres économiques et sociaux.

Pour ces « libéraux », qui représenteraient 20% de l’électorat, ces sondages indiquent surtout que Barack Obama a discrédité le message progressiste en adoptant l’argumentaire de ses opposants. Si, dans les semaines qui viennent, le Président ne change pas de cap, ils risquent bien eux aussi de moins se mobiliser pour sa campagne, alors qu’ils constituent l’un des groupes les plus activistes du parti. « Un autre sondage Gallup, écrivait vendredi Charles Blow, montre que l’enthousiasme des électeurs démocrates est au plus bas depuis dix ans ».

« Occupy Wall Street, concluait l’éditorialiste du grand quotidien new-yorkais, peut être le début de quelque chose ou peut tout autant s’étioler. Mais il n’y a aucun doute qu’il exprime le désarroi d’un électorat qui voudrait désespérément s’accrocher à quelque chose. Les gens attendent impatiemment un appel du clairon, un appel qu’ils n’espèrent plus de Washington ».

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