Steve Jobs – From Father to Demigod

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Le décès prématuré Steve Jobs, l’un des créateurs les plus audacieux de l’ère cybernétique, a ému le monde entier. Pour cause puisque les produits mis en marché par Apple sous la direction de son cofondateur occupent aujourd’hui une place exceptionnelle, voire démesurée dans la vie quotidienne de dizaines de millions d’individus.

Depuis l’annonce de sa mort, mercredi, Steve Jobs est passé du statut de pape de la sainte pomme à dieu du numérique. Pourtant, il n’y a pas si longtemps, Apple était donnée pour morte après avoir perdu beaucoup de sa popularité, même auprès des inconditionnels qui résistaient encore à la marée Microsoft.

Si Apple est devenue l’entreprise chérie des investisseurs, c’est qu’elle a réussi à s’imposer sur le marché des produits de grande consommation, en marge de son activité première de fabricant d’ordinateurs. On pense d’abord au iPod qui a révolutionné la façon de magasiner et d’emmagasiner de la musique, puis au iPhone qui a doublé le BlackBerry sur sa droite en rendant le texto et la navigation sans fil encore plus simples, et plus récemment le iPad qui donne un avant-goût ludique du passage au numérique pour une foule d’activités jusqu’ici confinées à des supports plus encombrants.

Grâce à ces produits innovateurs d’une facture esthétique sans pareille, complexes et néanmoins conviviaux, Steve Jobs a permis à Apple de bâtir un pont en or entre sa mission traditionnelle et celle de fournisseur de produits de divertissement et de communication de dernière génération. Si Microsoft et les fabricants de quincaillerie compatible restent les préférés des entreprises grâce à des prix très bas et à l’étendue des logiciels disponibles, ce statut pourrait aussi leur être ravi un jour avec la venue chez Apple de concepteurs de logiciels les plus imaginatifs.

Cela dit, cette croissance phénoménale a aussi entraîné son lot d’effets pervers comme chez toute entreprise qui tient à conserver son statut de «chef de file». Au moment même où Steve Jobs quitte la scène, les attentes des consommateurs et des investisseurs deviennent insoutenables. On l’a vu cette semaine avec la mise en marché du iPhone 4S qui a «déçu» malgré le fait qu’il ait été lancé à peine 16 mois après le modèle précédent.

Faute de pouvoir révolutionner le secteur tous les ans au cours des 20 prochaines années, Steve Jobs avait déjà entrepris de maximiser les retombées croisées de ses produits pour attacher la clientèle aux boutiques et autres gadgets de la maison. Récemment, il avait aussi lancé une offensive pour le moins vicieuse pour forcer les fournisseurs de contenus médiatiques à lui céder une grande partie des revenus d’abonnements, en plus d’exiger la propriété des informations concernant leurs clients.

Certains diront qu’en accédant au marché de masse, Apple a vendu son âme; d’autres, au contraire, qu’elle cueille enfin les fruits de 30 années de créativité marginalisée par les mêmes lois du marché.

Une chose est certaine, si Apple n’est plus la même à l’avenir, ce sera moins parce que le pape est mort que parce que l’entreprise doit maintenant se soumettre sans restrictions aux règles du capital qui stipulent que la croissance a toujours préséance sur le reste aux yeux des investisseurs, y compris la créativité et l’utilité. N’est-ce pas précisément ce qui a fait de Microsoft, IBM, Toyota, Ford et GM ce qu’elles sont devenues, c’est-à-dire des entreprises comme les autres?

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