INTERVIEW – Le milliardaire et philanthrope Bill Gates présente jeudi son rapport sur le développement commandé par le président Nicolas Sarkozy.
LE FIGARO. – Quel message principal voulez-vous faire passer au G20?
Bill GATES. – À Cannes, et c’est pour moi un grand honneur d’être invité, je veux montrer que, même en période de turbulences, on peut améliorer les conditions des plus pauvres. Les pays riches doivent tenir leurs engagements en matière d’aide, soit consacrer 0,7% du PIB d’ici à 2015, ce qui rapporterait 80 milliards de plus chaque année, et dépenser cette aide plus intelligemment, en faisant un focus sur l’innovation. Les pays en forte croissance comme le Brésil, la Chine ou le Mexique, qui ont réussi à réduire les niveaux de pauvreté, peuvent apporter leur expertise, leurs capacités d’innovation et leurs ressources humaines. S’agissant des pays les plus pauvres, ils doivent aussi mobiliser davantage leurs ressources internes, en augmentant leurs revenus fiscaux, en combattant la corruption. La réglementation sur la transparence des revenus des entreprises minières et pétrolières est un point positif.
Le président Sarkozy vous a demandé de plancher sur des financements innovants. Que proposez-vous?
Je suggère trois types de taxes. La première, sur les transactions financières, est un outil intéressant, à condition de ne pas appliquer un taux trop élevé, pour éviter les fuites de capitaux. J’ai été fasciné d’apprendre que Londres et Hongkong, qui comptent un secteur financier important, appliquent déjà des taxes similaires qui rapportent des revenus substantiels. Je propose une taxation sur les transports maritimes et aériens et d’augmenter celle sur le tabac, qui aura en plus un impact bénéfique sur la santé.
Vous suggérez que la taxe financière ne puisse être appliquée que par quelques pays?
Elle peut prendre plusieurs formes, selon le taux, l’assiette. On pourrait avoir une taxe universelle. Mais ce que montre le cas britannique, c’est que c’est faisable en fonction du seuil appliqué. Si la France et l’Allemagne imitaient les Britanniques, cela les aiderait à atteindre la barre des 0,7% du PIB. Même s’il ne s’agit pas de lever des centaines de milliards d’euros, la taxe britannique en rapporte cinq chaque année. Quand il s’agit de sauver une vie avec un vaccin ou un traitement antisida pour quelques centaines ou milliers de dollars, l’impact est considérable.
Vous insistez beaucoup dans votre rapport sur le rôle de l’innovation et des pays émergents?
L’innovation a un impact direct sur le développement. Les pays ont besoin de nouvelles semences, en raison du changement climatique, de nouveaux vaccins face aux épidémies, de nouveaux outils pour les agriculteurs. Il faut développer des partenariats entre pays riches et émergents pour aider les plus démunis. Nous, fondations, pouvons y contribuer. Il y a déjà des initiatives du Brésil, sur le soja, ou de la Chine sur le riz. Ces pays, receveurs d’aides dans le passé, sont devenus donateurs.
Pourquoi l’agriculture et la santé sont prioritaires?
L’objectif est d’aider les pays les plus pauvres à devenir autonomes, et de façon durable. L’agriculture et la santé sont essentielles pour y parvenir. L’enjeu est d’améliorer les conditions de la croissance de la population, notamment en réduisant la mortalité infantile, en aidant les mères à avoir moins de bébés, en améliorant la nutrition et la santé pour un meilleur développement des individus. Une agriculture de base, c’est un chemin vers la stabilité, qui permet au-delà d’investir plus sur l’éducation et les infrastructures.
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